Par Lucie DELAPORTE
Pour se délester de leurs salariés encombrants, de plus en plus d’employeurs les déclarent « inaptes » à occuper leur poste. Avec la complicité, plus ou moins assumée, de la médecine du travail.
Comment se débarrasser à peu de frais de ses salariés devenus indésirables ? Par temps de crise, la recette vaut de l’or. Dans la boîte à outils du DRH, une formule a particulièrement le vent en poupe ces derniers temps : l’inaptitude. Ce statut reconnaît l’incompatibilité entre l’état de santé du salarié et la charge, physique ou mentale, de son poste. Il suffit en effet de déclarer les indésirables « inaptes » à occuper leur poste de travail pour pouvoir les éjecter. Si un reclassement n’est pas possible, le licenciement est prononcé.
Comment se débarrasser à peu de frais de ses salariés devenus indésirables ? Par temps de crise, la recette vaut de l’or. Dans la boîte à outils du DRH, une formule a particulièrement le vent en poupe ces derniers temps : l’inaptitude. Ce statut reconnaît l’incompatibilité entre l’état de santé du salarié et la charge, physique ou mentale, de son poste. Il suffit en effet de déclarer les indésirables « inaptes » à occuper leur poste de travail pour pouvoir les éjecter. Si un reclassement n’est pas possible, le licenciement est prononcé.
Depuis quelques années, le nombre de salariés devenus ainsi incapables de satisfaire aux exigences de leur employeur a singulièrement augmenté. Selon l’Agefiph, leur nombre a doublé en dix ans. Certes, l’augmentation des cadences, de la pénibilité et du stress y sont pour beaucoup. Les salariés s’usent plus vite au travail et pour certains deviennent incapables au bout de quelques années de tenir leur poste. C’est l’inaptitude « classique » qui touche encore majoritairement les ouvriers. Mais de plus en plus, le statut d’inaptitude est utilisé comme un moyen pratique d’éjecter des cadres dont le licenciement peut coûter cher aux entreprises.
Les médecins du travail commencent d’ailleurs à se plaindre des pressions qui pèsent sur eux pour qu’ils utilisent ce procédé parfois hors de toute considération médicale. « L’inaptitude sert à évacuer un certain nombre de salariés qui ont des problèmes spécifiques », admet Tanguy Bothuan, juriste spécialiste du droit social. En clair, des « cas » dont on ne sait pas comment se défaire légalement. Dépression, conflit avec leur hiérarchie, harcèlement moral, autant de situations délicates pour l’entreprise qui risque un recours aux Prud’hommes en cas de séparation sans motif réel et sérieux. Autant de situations où le médecin du travail est donc aimablement invité à déclarer le salarié « inapte ». Plus simple et plus rapide qu’un licenciement économique, ce mode de séparation coûte aussi moins cher qu’un licenciement « à l’amiable » avec transaction à la clé. Ce statut bien utile sert aussi à pousser vers la sortie des séniors qui traînent la patte, rapporte Tanguy Bothuan. « Les entreprises l’utilisent car on peut gagner deux ou trois ans sur l’âge du départ à la retraite, ce qui commence d’ailleurs à préoccuper les pouvoirs publics ».
Cautionner des pratiques managériales violentes
« L’inaptitude est surtout un moyen pratique de sortir un salarié d’une situation difficile », explique Mireille Chevalier, secrétaire général du syndicat national des professionnels de la santé au travail. On le fait d’un commun accord avec lui lorsque toutes les solutions ont été envisagées. L’intérêt c’est aussi qu’il n’a pas d’obligation de revenir dans l’entreprise en attendant son licenciement effectif. » Lors d’un conflit, cela arrange tout le monde de ne plus avoir à supporter la trombine de l’autre pendant des mois. Et l’obligation de reclassement ? Pas de souci, si le patron ne veut vraiment plus voir ce salarié, le médecin du travail n’hésite pas à le déclarer « inapte à tout poste dans l’entreprise ».
Charmant. Et très valorisant. « La procédure a été dévoyée, s’insurge un médecin du travail qui reconnaît user de plus en plus de cette solution. Nous nous retrouvons à servir de caution à des pratiques managériales violentes » explique- t-il. Si certains rechignent à jouer les alibis, ils expliquent toutefois que c’est aussi à la demande du salarié lui-même qu’ils sont amenés à prononcer une inaptitude. « C’est une façon de le protéger lorsqu’il sent qu’on veut le pousser à la démission » affirme Bernard Salengro, président du syndicat général des médecins du travail CFE CGC, puisque dans ce cas il pourra bien-sûr s’asseoir sur ses droits au chômage. Alors, statut aux petits oignons où tout le monde s’en sort bien ? Pas sûr. Le salarié qui se retrouve ainsi évincé peut faire une croix sur des indemnités négociées. Pour certains cadres, les sommes auxquelles ils pourraient prétendre sont loin d’être négligeables. De plus, s’entendre dire qu’on est inapte lorsqu’on sort d’une dépression suite à un harcèlement moral, est un peu dur à avaler. Pour un peu, il y en a que ça ferait replonger. Trop sensible, on vous dit.
1 commentaire:
Heureusement qu'à l'Education Nationale, il n'y a pas de médecine du travail !!! ;-)
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