L’exaspération monte aux Pays-Bas, sur une multitude de conflits quotidiens liés à l’islam. Les débats se suivent, incessants. Le 5 décembre, le Parlement a interdit le port du foulard islamique dans la police, après des années de politiques plus ou moins tolérantes en fonction des villes. La municipalité d’Amsterdam, de son côté, a demandé à ses travailleurs sociaux, même musulmans, de serrer la main des femmes dans la rue. La décision a été prise après bien des remous : Job Cohen, le maire travailliste d’Amsterdam, a d’abord trouvé qu’il n’était «pas indispensable» de serrer toutes les mains. Puis plusieurs élus travaillistes de l’arrondissement de Slotervaart - à forte immigration -, dans l’ouest de la ville, se sont battus pour le respect de «la norme du pays d’accueil».
Groupe à part. Et puis il y a Geert Wilders, chef de la droite populiste passé maître dans l’art d’exploiter le malaise ambiant. Même si toutes les polémiques ne sont pas provoquées par cet homme politique, il promet depuis quatre mois un film contre le Coran. Cette annonce a déclenché une tempête qui a ravivé le traumatisme subi après la mort du cinéaste Theo van Gogh. Il avait été égorgé le 2 novembre 2004 par un jeune islamiste néerlando-marocain, trois mois après la diffusion de son film, Soumission, qui dénonçait la condition des femmes dans l’islam. Depuis, les musulmans sont considérés comme un groupe à part, fort de 850 000 personnes (5 % de la population néerlandaise). La présence de 20 000 à 30 000 radicaux, selon les services secrets, est présentée par Geert Wilders comme une menace «d’islamisation de la société néerlandaise».
Le burqini, ce nouveau maillot de bain qui couvre l’intégralité du corps des femmes, donne la mesure des avancées du fondamentalisme. Pour tester les réactions du public, la chaîne de télévision Netwerk a envoyé une journaliste écumer les piscines du pays en burqini. La réplique la plus féroce est venue d’un musulman qui a vitupéré contre «l’influence croissante de l’islam orthodoxe aux Pays-Bas». Au total, six piscines municipales ont aujourd’hui interdit le maillot de bain islamique.
Le royaume est manifestement pris dans un double conflit entre liberté de religion et liberté d’expression, intégration et tolérance. En septembre, une agence gouvernementale a appelé les Néerlandais à «s’adapter à l’islam». Son argument : «La tolérance est trop faible.» L’islamologue Hans Janssen, de l’université d’Utrecht, estime au contraire que «les Pays-Bas cèdent beaucoup trop aux menaces brandies par les fondamentalistes». Il en veut pour preuve que le gouvernement a demandé à Geert Wilders de ne pas diffuser son film, par peur de représailles. Dans un autre registre, la banque Fortis a remplacé par une encyclopédie la petite tirelire en forme de cochon qu’elle offrait à l’ouverture de tout compte pour enfant.
«Distance». De son côté, l’Association des médecins néerlandais (KNMG) a préconisé, fin février, de céder aux préférences des patients, pour un médecin homme ou femme, mais de ne pas tenir compte des demandes liées à la religion des praticiens. Une façon de clore le débat, face aux exigences croissantes des musulmans dans le système de santé. Enfin, après trois ans d’atermoiements, un permis de construire a été délivré à Amsterdam en vue de la construction d’une grande mosquée, qui sera le plus haut édifice de la ville.
Ronald Plasterk, le ministre de la Culture, de l’Enseignement et de l’Emancipation, a cherché à détendre l’atmosphère en conseillant aux musulmans de «prendre de la distance» avec le Coran. «Si l’on doit tout prendre au pied de la lettre, il y a de quoi devenir fou, par les temps qui courent», a-t-il commenté. Sooreh Hera, une artiste d’origine iranienne, n’en accuse pas moins ce ministre d’avoir «trahi la liberté d’expression». Elle lui reproche son absence de soutien, après le rejet par le musée municipal de La Haye de photos controversées. Ses images montraient un couple d’homosexuels iraniens aux visages recouverts par des masques, à l’effigie du prophète Mahomet et de son gendre Ali. A Paris, le centre Pompidou va les exposer, mais aux Pays-Bas, elles ne trouvent pas preneur. Un seul musée, à Gouda, avait promis de les montrer. Son directeur a changé d’avis, mais nie avoir cédé à de quelconques pressions.
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