Richard Labévière a été licencié de Radio France Internationale le 12 août dernier. L’affaire a déjà été évoquée sur AgoraVox et AgoraVox TV, inutile d’y revenir ici.
Le journaliste avait fait une première interview vidéo qui avait beaucoup circulé sur le web (bien que les grands médias n’en aient pas du tout parlé), et dans laquelle il dénonçait une "orwellisation" de la presse française.
Mardi 26 août, Labévière a donné sa première conférence de presse au sujet de son éviction. Pas à Paris, mais à Beyrouth, au Liban. En voici la transcription (partielle) :
“Pourquoi alors une conférence de presse à Beyrouth avant Paris ?
Tout d’abord parce que, paradoxalement, le pluralisme de la presse et la liberté d’expression sont certainement plus grands ici a Beyrouth qu’à Paris. Juste un exemple et je m’en excuse pour les consœurs et confrères de l’Agence France Presse ici présents aujourd’hui, mais la direction de l’AFP à Paris et la direction régionale de l’Agence à Nicosie bloquent, depuis dix jours, quatre dépêches dont un communiqué commun des grands syndicats de journalistes qui dénoncent mon licenciement. Je ne demande pas a l’AFP de me soutenir, mais simplement de faire son travail d’agence de presse et de débloquer l’information qui concerne le licenciement d’un rédacteur en chef de l’Audiovisuel extérieur de la France.
Par ailleurs, à Paris et en France tout le monde est en vacances du 15 juillet au 1er septembre et rien ne se passe sauf les licenciements d’été qu’on veut cacher à l’opinion. (...)
Je veux ici souligner un fait important : il ne s’agit pas dans cette affaire de l’interview de Bachar al Assad en particulier, et c’est bien là que le mal est pernicieux. Il en aurait été de même pour l’interview de Saad Hariri ou d’Hassan Nasrallah, de Samir Geagea ou de Michel Aoun, d’Hosni Moubarak, de Mahmoud Abbas ou de Khaled Mechal. Ce mal n’est pas en soi la réalisation d’une quelconque interview, mais le choix des patrons de presse qui veulent imposer un journalisme aux ordres, des intervieweurs formatés répondant aux seuls ordres du lobby sioniste. Un journaliste qui reconnait aux Arabes, quels qu’ils soient et quelles que soient leur sensibilité politique, les mêmes droits qu’aux Israéliens et qu’aux Occidentaux n’a plus droit de cité en France et certainement pas celui d’interviewer un responsable politique arabe quel qu’il soit. (...) Derrière la vitrine d’une presse libre, on assiste en fait à la mise en œuvre d’une entreprise flagrante de désinformation et de manipulation des opinions publiques.
La mise au pas de l’audiovisuel Extérieur de la France, RFI et TV5Monde, France24, c’est déjà fait, par le publicitaire Alain de Pouzilhac et Christine Ockrent-Kouchner, femme du ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner, qui s’inscrivent dans cette volonté d’imposer une lecture et une pensée unique résolument néoconservatrice et pro-israélienne.
C’est ainsi qu’on voudrait nous obliger à dire dans nos commentaires que la capitale d’Israël est Jérusalem, que les colonies sont des implantations, que le mur est une barrière de sécurité et que l’armée israélienne est tellement morale qu’elle ne peut, en aucun cas, tuer des femmes, des enfants, des civils et détruire des infrastructures publiques.
C’est ainsi que ces quatre dernières années, on a vu a RFI, la mise au pas du journal quotidien du Proche Orient jugé trop pro-arabe, en y injectant des revues de presse israéliennes et des intervenants eux-aussi uni dimensionnellement pro-israéliens. Ont ainsi disparu l’ensemble des chroniqueurs et consultants arabes, de même que l’émission le « kiosque arabe », supprimée après la guerre de 2006. Présentée de Beyrouth, cette émission était pourtant la seule du paysage audiovisuel français qui donnait la parole aux Arabes dans toutes leurs composantes et diversités pour un débat contradictoire et une expertise croisée. Elle a été remplacée par une rencontre convenue de correspondants de la presse arabe et israélienne à Paris. Car on veut aussi nous obliger à dire que le monde arabe n’existe pas en dehors de la seule lecture israélienne. (...)
Je ne suis pas dans la résignation. Je suis un homme et un journaliste en colère, parce qu’aujourd’hui en France, dans ce pays que j’aime tellement, être qualifié de journaliste pro-arabe ou pro-palestinien est devenu un délit d’opinion, un crime pouvant justifier toutes les mises a mort professionnelles. (...)
J’ai une autre idée et une autre mémoire de l’histoire de mon pays, qui s’inscrit dans l’héritage de Robespierre, de la révolution française, de Jean Moulin et du Conseil national de la résistance CNR, de l’indépendance nationale et de la liberté.”
Source: AgoraVox
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