Jacques est rongé par la peur. Sa hiérarchie vient de revoir ses objectifs commerciaux à la hausse. « Il en va de la survie de l’entreprise », lui a-t-on fait comprendre. Et s’il n’était pas à la hauteur ? Déjà, il y a quelques mois, sa performance avait légèrement fléchi. La direction l’avait cloué au pilori, devant tous ses collègues.
Sandrine aussi vit dans l’angoisse. Du chômage. La menace de restructurations pèse sur le groupe dans lequel elle travaille depuis une dizaine d’années. Son supérieur a beau lui assurer que son poste n’est pas menacé, cette cadre brillante élabore d’effrayants scénarios à longueur de journée.
Pierre est assailli par le trac avant chaque présentation à ses équipes. Il redoute de transpirer, de bafouiller et d’avoir ce léger tremblement des mains qui lui fait perdre tous ses moyens. Jacques, Sandrine, Pierre… la liste pourrait être encore longue de ces cadres qui travaillent l’angoisse chevillée au corps.
La peur est l’émotion du danger. Véritable processus de survie, elle est apparue chez l’homme pour le mobiliser face à des risques vitaux. C’est bien sûr encore le cas aujourd’hui pour certains salariés exposés à des agressions, dans des agences bancaires ou des transports en commun par exemple. Mais, dans nos environnements professionnels actuels, la peur survient surtout dans des situations où les « menaces » sont davantage psychologiques que physiques : l’échec, le jugement négatif de l’autre, le changement n’en sont que quelques exemples. Or, de toutes les émotions humaines présentes au travail, la peur est sans doute l’une des plus fréquente et certainement l’une des plus toxiques. Elle pousse naturellement à la fuite ou à l’inhibition et est donc rarement associée à la motivation.
Toutes les recherches en psychologie comportementale le confirment: nous progressons beaucoup plus efficacement quand nos comportements adaptés sont récompensés que lorsque nos comportements inadaptés sont punis. Autrement dit, la recherche du plaisir est un bien plus puissant moteur pour l’homme que l’évitement de la peur. « C’est quand on arrive le matin à son travail la peur au ventre que l’on donne le meilleur de soi-même » affirmait récemment un ancien dirigeant d’un grand groupe équipementier automobile. Eh bien non ! Autant sur le plan éthique que sur le plan économique, il n’est pas acceptable que la peur soit érigée en mode de management de l’entreprise.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire