02 janvier 2005
Cousins en voie de disparition
LE MONDE
31.12.04
Une exposition sur le thème de la protection des grands singes à la Cité des sciences, à Paris.
Il y a urgence pour les grands singes. Car le nombre des chimpanzés, bonobos, gorilles et orangs-outans, nos plus proches cousins sur le plan génétique, décline inéluctablement sous l'effet de la déforestation, de la pression démographique, du virus Ebola et de la chasse destinée à obtenir de la viande de brousse. Si la situation perdure ainsi, les spécialistes estiment que ces primates risquent de disparaître dans une ou deux décennies.
Pour alerter le public et sensibiliser les jeunes générations sur ces sombres perspectives, la Cité des sciences et de l'industrie de Paris présente jusqu'au 6 mars une exposition intitulée : "Les grands singes vont-ils disparaître ?".
L'exposition, de taille modeste, est néanmoins très complète, car elle présente tous les enjeux scientifiques, sociétaux, écologiques, juridiques et politiques liés à la protection de ces espèces. Constituée de panneaux de textes, de photos et d'infographies, ainsi que de films et d'entretiens de spécialistes, cette "expo-dossier" sera ensuite largement diffusée - grâce à l'édition d'un DVD-ROM - tant en France que dans les vingt-trois pays d'Afrique et d'Asie qui abritent encore des populations de primates.
L'ouverture de l'exposition a aussi été l'occasion d'un débat, au début du mois de décembre, entre le public, des paléoanthropologues et des experts du programme international "Projet pour la survie des grands singes" (Grasp), lancé en 2001 par l'Unesco et le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).
"Pourquoi, après tout, sauver les grands singes ?", ont interrogé certains participants. Toutes les espèces doivent être préservées dans le cadre de la biodiversité, mais la sauvegarde de ces primates répond à un triple enjeu, a expliqué Pascal Picq, paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France.
Un enjeu scientifique, car "les grands singes partagent avec nous les mêmes systèmes sociaux, et des pans entiers de notre humanité". Un enjeu anthropologique, car "ils détiennent une partie de nos origines communes, et ils nous permettront de savoir d'où nous venons". Un enjeu philosophique enfin, car "est-il acceptable que l'expansion humaine se traduise par l'extinction des autres espèces ?", a ajouté Pascal Picq.
Le débat a aussi permis de présenter l'évolution du projet Grasp. Walter Erdelen, sous-directeur général pour les sciences exactes et naturelles de l'Unesco a profité de l'occasion pour annoncer que la première conférence intergouvernementale sur ce programme aura lieu la première semaine de septembre 2005 à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC).
"CHANGEMENT DE MÉTHODE"
Elle doit réunir les vingt-trois pays africains et asiatiques qui abritent encore des grands singes sur leur territoire, l'Unesco et le PNUE, une trentaine d'ONG ainsi que les pays donateurs. Ces derniers seront sollicités, car les besoins financiers nécessaires pour enrayer l'irrésistible baisse des populations de primates ont été évalués à 25 millions de dollars (Le Monde du 29 novembre 2003).
Les réunions de travail menées par les experts du Grasp, et notamment celle qui s'est tenue au siège de l'Unesco les 8 et 9 décembre, ont aussi permis d'établir un plan de travail s'échelonnant de 2003 à 2007, qui sera présenté à Kinshasa. Le projet prévoit, entre autres, de s'appuyer sur une participation importante des populations locales.
Selon les experts, les projets-pilotes qui seront lancés auront d'autant plus de chances d'aboutir si les populations concernées y trouvent leur compte. Pour cela, il faut favoriser le développement de l'écotourisme, de la reforestation, ou de nouveaux moyens de chauffage alternatifs à l'utilisation de l'énergie-bois.
Les membres du Grasp envisagent aussi d'améliorer les capacités de formation des gardiens et des gestionnaires des parcs nationaux afin de mieux lutter contre le braconnage. Ils souhaitent aussi renforcer la recherche scientifique concernant les grands singes.
Ce plan de travail devrait permettre de mieux coordonner les efforts au niveau mondial, jusque-là plutôt dispersés. Dans ce sens, "le programme constitue une nouvelle approche et un changement de méthode, a expliqué Samy Mankoto Ma Mbaele, membre du Grasp et ex-directeur des parcs nationaux de la République démocratique du Congo. Car, jusqu'à présent, chacun a un peu travaillé de son côté, et cela a beaucoup nui à la survie des grands singes". Il cite, à l'appui de son affirmation, l'exemple des gorilles des montagnes qui vivent dans trois zones protégées proches, mais appartenant à des pays différents : le parc national des volcans du Rwanda, le parc national de Virunga, en RDC, et la forêt impénétrable de Bwindi, en Ouganda.
Christiane Galus
"Les grands singes vont-ils disparaître" à la Cité des sciences, 30, avenue Corentin-Cariou, Paris-19e. Métro Porte-de-la-Villette.
Jusqu'au 6 mars 2005. Ouverture du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures.
La Cité des sciences fermera ses portes vendredi 31 décembre à 16 h 30 et sera fermée samedi 1er janvier. Tél. : 01-40-05-80-00.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 01.01.05
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