Le fondateur et ancien patron d'Auchan s'invite dans le débat sur les OGM en lançant une étude scientifique sur leur impact. En exclusivité pour l'Expansion, il explique sa position.
Gérard Mulliez. Dans l’état actuel des connaissances, il faut les interdire. Il est évident que le principe de précaution doit s’appliquer. La situation est grave, je suis abasourdi par le manque de réflexion. On doit attendre d’être sûr de leur non-toxicité pour l’homme avant de diffuser ce type de produit auprès du plus grand nombre.
Doit-on vous ranger parmi les « anti » ?
Je ne suis pas contre par principe, mais je suis contre des décisions d'autorisation qui me semblent hâtives, étant donné le peu d’informations dont on dispose concernant l’impact des organismes génétiquement modifiés sur la santé humaine. Il ne faut pas que l’on se retrouve dans vingt ans avec des OGM partout, sans l’avoir voulu mais par le simple fait que le pollen se dissémine, et réaliser à ce moment là que ce n’est pas bon pour la santé. Je crois qu’il est temps que les ministres actuels se remémorent le scandale du sang contaminé. On est peut-être en train de recommencer la même chose. Le fait de dire que des Américains en mangent depuis dix ans n’est pas une preuve de non nocivité. Personne ne peut expliquer complètement le pourquoi des problèmes de santé spécifiques aux Etats-Unis, dont certains sont peut-être d’ailleurs en train de se développer sournoisement.
Que préconisez-vous ?
Des recherches indépendantes et transparentes. Les études publiées jusqu’ici n’ont pas été développés suffisamment longtemps, et elles sont partiellement diffusées et souvent financées, si ce n’est réalisées, par les industriels et les distributeurs d’OGM. Leur puissance de lobbying est énorme. Ils ont plus de gens à Bruxelles que n’importe qui d’autre. C’est pourquoi à travers, Consommateurs et entreprises responsables (Ceres), une association créée il y a un an et dont je suis le président d’honneur, nous allons financer de façon indépendante une étude de ce type. Nous en publierons les résultats, qu’ils soient positifs ou négatifs. Nous avons déjà récolté 200 000 euros auprès d’entreprises et de particuliers. Le protocole des études toxicologiques est défini et prêt à être mis en œuvre. On va bientôt démarrer.
Vous semblez très remonté contre les fabricants d’OGM…
Je refuse qu’une poignée de multinationales s’arroge le droit potentiel de décider du niveau de prix de l’alimentation mondiale, ce qui peut avoir comme conséquence d'affamer le monde. Il est tout à fait insupportable que les agriculteurs ne puissent pas conserver un stock de graines d’une année sur l’autre comme ils l’ont toujours fait, mais doivent acheter chaque année leurs semences aux distributeurs d’OGM. Pour le cultivateur d’un pays pauvre qui n’a pas le sou, c’est un réel problème de survie. Le doublement du prix du pétrole et du gaz en quelques années devrait nous faire réfléchir aux conséquences possibles d’une raréfaction du blé, du maïs, du soja et du riz.
Pourquoi avez-vous accepté d’être président d’honneur de cette association ?
Mon nom peut faire caisse de résonance. Car c’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui : informer le plus grand nombre de gens. Il faut alerter l’opinion publique, c’est le seul moyen pour faire changer les choses. Vous savez, j’ai passé 47 ans de ma vie à développer des hypermarchés pour vendre de moins en moins chers, de plus en plus de produits différents au plus grand nombre. Je veux pouvoir continuer à le faire sans risquer de menacer la santé de mes concitoyens. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai tenu à ce que les produits Auchan et Pouce soient exempts d’OGM.
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