21 novembre 2007

Une belle leçon de management.

Lu dans Le Parisien, dans une itw de Jean TODT.

- Comment faites-vous pour gagner partout où vous vous engagez ?

"Je suis un manager, un chef d'orchestre. La clé de la réussite, c'est de prendre les meilleurs autour de soi. Le manque d'ambition, c'est d'avoir peur d'être entouré de collaborateurs trop bons. On choisit alors des médiocres pour être sûr qu'ils ne vont pas vous faire de l'ombre. J'ai toujours été capable de m'entourer de très bons éléments, que j'ai su garder, motiver et valoriser."

Les médecins devraient prescrire l'activité physique à leurs patients

Les médecins devraient donner à leurs patients une ordonnance sur les exercices physiques à pratiquer selon leur état de santé, croit une chercheuse américaine de l’Université de Washington. Même si les bienfaits de l’activité physique sur la santé ne sont plus à démontrer, peu de gens font les 150 minutes d’activité modérée recommandées par semaine1 (moins de 40 % aux États-Unis), fait-elle remarquer.

En utilisant le principe FITT, qui signifie fréquence, intensité, temps et type d’activité physique, le médecin devrait être en mesure de fournir des indications concrètes pour mettre en application ses recommandations. Il peut s’agir d’une activité aérobique, de souplesse, d’équilibre ou d’endurance, souligne la chercheuse.

Voici quelques exemples de bienfaits pour chaque type d’activité physique que l’auteure de l’étude met de l’avant :

Les exercices aérobiques :

diminuent les risques de maladies cardiovasculaires;
améliorent l’humeur;
peuvent faire perdre du poids si pratiqués à haute intensité;
améliorent les capacités cognitives;
favorisent un meilleur contrôle de la glycémie.

Les exercices de souplesse et d’endurance :

augmentent la masse musculaire;
préviennent le déclin lié au vieillissement;
sont sécuritaires pour les personnes ayant une santé cardiovasculaire à haut risque;
peuvent aider à perdre du poids;
réduisent la pression sanguine;
améliorent la densité osseuse;
réduisent la résistance à l’insuline.

Les exercices d’équilibre :

réduisent les risques de chutes;
améliorent la force et la stabilité;
améliorent la mobilité et la guérison à la suite d’une opération orthopédique.

Tous les exercices en général :

réduisent les risques d’être atteints de diabète, de cancer et de maladies cardiaques;
favorisent un meilleur contrôle de la glycémie;
réduisent le stress.

Claudia MORISSETTE

18 novembre 2007

Jean-Louis Murat : "La crise du disque est un leurre"

Jean-Louis Murat, auteur-compositeur-interprète, publie "Charle et Léo", des poèmes mis en musique par Léo Ferré, chansons jamais parues.

V2, maison de disques indépendante à laquelle vous apparteniez, ferme ses portes fin novembre après son rachat par Universal Music. Qu'en pensez-vous ?

Les gros mangent les petits, c'est le capitalisme. Pascal Nègre, PDG d'Universal Music France, applique la politique des dirigeants et actionnaires de Vivendi, qui espèrent qu'à la sortie de la crise du disque, ils auront absorbé les meilleurs afin d'alimenter en musique SFR, Canal+...

A chaque rachat ou fermeture d'une maison de disques, des gens brillants sont broyés. Et les internautes crient hourra ! J'affirme que la crise du disque est un leurre, elle n'existe pas : l'offre est intacte, la demande croissante. Mais, chaque nuit, dans les hangars de la musique, la moitié du stock est volé. Imaginez la réaction de Renault face à des délinquants qui forceraient la porte quotidiennement pour dérober les voitures !

Des gamins stockent 10 000 chansons sur l'ordinateur familial, après les avoir piquées sur le Net. La société, des députés, des sénateurs trouvent cela vertueux ! Or, c'est un problème moral : tu ne voleras point, apprend-on à nos enfants. En outre, ces rapines via le Net s'effectuent dans l'anonymat. L'écrivain américain Brett Easton Ellis a dit : "Depuis la nuit des temps, l'Antéchrist cherche un moyen de prendre le pouvoir sur les consciences de l'homme, enfin il y est arrivé avec Internet." Le Web rend les gens hypocrites, il incite à prendre des pseudonymes. C'est un monde de délation, intoxiqué de spams et de pubs.


Pourquoi les musiciens et chanteurs ne prennent-ils pas plus fermement position comme vous le faites ?


Chez les artistes, règne l'omerta. Dès qu'ils dénoncent les pratiques de voyou sur Internet, ils sont attaqués par des petits groupes d'internautes ; ceux-ci s'y mettent à une dizaine, se font un plaisir de mettre la totalité de la discographie de l'impétrant à disposition gratuitement, partout, dernier album compris. Ils sont sans visage. Les Arctic Monkeys, en Grande-Bretagne, ont eu recours à des shérifs du Net après s'être fait connaître sur le Web, et les internautes britanniques sont en train de leur faire la peau, au nom de la liberté. Mais quelle liberté veut-on ? Celle de se goinfrer ? Avec des gens qui ont 20 000 titres sur leur disque dur et ne les écoutent jamais ?

Cette conception ultralibéraliste, qui est au-delà de tout système politique, se résume à peu : la goinfrerie. Internet favorise cela : toujours plus de sensations, toujours plus de voyages, de pénis rallongés, toujours plus de ceci, de cela...

Vous avez été pourtant l'un des premiers artistes français à ouvrir un site Internet en 1998 et à y proposer des chansons, des échanges, des liens, des images. N'est-ce pas contradictoire ?


Baudelaire appelait le progrès le paganisme des imbéciles. Tous les acteurs de la musique sont tombés dans le fantasme de la modernité à ce moment-là. Les patrons de maison de disques ne juraient que par le Net sans pour autant comprendre de quoi il s'agissait. Au début, je mettais environ une chanson inédite par semaine à disposition sur mon site, gratuitement. Puis j'ai arrêté. Ces titres étaient téléchargés sans un merci, sans un bonjour, et éventuellement revendus sous forme de compilations payantes dans des conventions de disques. J'ai fait partie des imbéciles qui ont cru aux mirages de l'Internet, et de ce fait à la bonté naturelle de l'homme, à l'échange communautaire. L'homme a travaillé le fer pas seulement pour les charrues, mais aussi pour les épées, idem avec les atomes et le Net.

La gratuité sur Internet est-elle la seule cause de l'effondrement des ventes de disques ? Le déficit d'image d'une industrie habituée au court terme y est-elle pour quelque chose ?

Evidemment, 90 % de notre métier est fait par des gens formidables, des musiciens, des tourneurs, des ingénieurs du son, des attachés de presse, des artistes, des passionnés ! Mais l'image qui est passée dans le public est celle de ses patrons, arrivés là à cause de l'argent facile, de l'épate, du look. Le triomphe du petit bourgeois snobinard et de la fanfaronnade ! Nicolas Sarkozy ressemble tout à fait à un patron de maison de disques.

J'ai toujours été sidéré de voir comment l'industrie musicale attirait les médiocres à sa tête. Des médiocres qui dirigent des sociétés de taille modeste, sur le plan de l'économie mondiale, mais dont les émoluments s'alignent sur ceux des groupes multinationaux et consomment 80 % de la masse salariale dans les petites structures. Et les parachutes dorés ! Quand on licencie une centaine de salariés dans une maison de disques, comme chez EMI France par exemple, c'est en grande partie pour payer les indemnités du patron, c'est scandaleux.

La gratuité n'est-elle pas le meilleur moyen de démocratiser la culture ?

C'est une blague ! Cela nous tue. La démocratisation, c'est à l'école maternelle qu'elle doit être ancrée. Une fois les bases et l'envie acquises, chacun peut faire son choix. Par ailleurs, je ne suis pas démocrate, je suis happy few. La culture est le fait d'une minorité, d'une élite qui fait des efforts. Attention, pas une élite sociale ! La femme de ménage ou le facteur sont absolument capables de sentiment artistique. Mais la démocratisation, pour moi c'est le concours de l'Eurovision : chaque pays envoie son artiste fétiche. Et là, comme disait Baudelaire, la démocratie, c'est la tyrannie des imbéciles. Sur MySpace, vous allez voir 45 000 nigauds, les 45 000 artistes ratés qui ont ouvert leur page - j'y suis aussi, parce que sinon on me vole mon nom.

Qu'est-ce qu'un artiste raté ?

C'est celui ou celle qui fait la moitié du chemin, sans rien sacrifier. Le monde est plein d'artistes qui ne le sont que six heures par semaine, du samedi matin au dimanche soir. Ils sont d'une arrogance, ils veulent tout arracher ! Alors qu'être artiste, c'est un engagement total, où tous les risques sont pris. C'est une décision à laquelle on se tient. Quitte à dormir dehors, à vivre autrement. Tout le monde a en soi des capacités créatives, cela n'en fait pas un artiste pour autant. Etre artiste, c'est une affaire de vocation et de discipline, une discipline de fer. Etre artiste, c'est du travail, du travail, du travail et encore du travail.

Vous vivez et travaillez dans le Puy-de-Dôme, dans une ancienne ferme des environs de Clermont-Ferrand. Qu'y trouvez-vous ?

J'y ai mon studio d'enregistrement, et des conditions de travail idéales. Je vois très peu de gens... le facteur... Là-haut, la vie est frugale, on finit tout, on n'achète presque rien. Le pain dur est gardé pour la soupe du soir. Dans la nature, l'oubli de soi est plus facile, on va le matin aux champignons, on s'assied pour casser la croûte, on a ramassé un kilo de cèpes, voilà. On refait une clôture, on est dans le présent. Or, être dans le présent est la condition de la paix intérieure. Moi, j'aime aussi les activités qui ne laissent pas de place à la réflexion. Jouer des instruments, faire des prises de son. S'aménager une vie de travail. Car, à part aimer, travailler est la chose la plus belle à faire dans la vie.

Baudelaire parlait beaucoup de l'obligation de productivité du poète. En trois ans, Rimbaud a écrit l'équivalent de quinze disques ! Le mot qui revient le plus souvent dans sa correspondance avec sa mère et sa soeur, c'est "paysan". Il voulait l'être, il avait tous les catalogues de Manufrance, et mettait de l'argent à gauche pour cela.

Vous venez de publier Charles et Léo, des poèmes extraits des Fleurs du Mal, paru il y a cent cinquante ans, sur des ébauches musicales de Léo Ferré. Est-ce toujours d'actualité ?

Tout le monde se moque de la poésie, non ? Moi, je l'ai toujours aimée. Nous avons développé des personnalités a-poétiques. Un penchant poétique, c'est un penchant pour une langue, une métrique, des rimes riches. Là, en ce moment, on nous regarde de travers, parce que la poésie est la langue de la patience. Et dès que l'on pense poésie, le chaos insupportable dans lequel nous sommes plongés nous saute à la figure. Au XIXe siècle, quand Baudelaire écrit, se met en place un monde du progrès collectif, global, pas individuel. Il en ressort un profond sentiment d'étrangeté, d'ennui, car l'individu un peu marginal qu'il est, un beau rentier qui s'ennuie, ne trouve plus sa place.

Un chanteur est-il aussi un poète ?

La chanson est née avant l'écriture. C'est une survivance de la culture classique. Dans le rock, la confusion entre poésie et romantisme a été poussée au maximum - il y a aussi beaucoup cette image : le poète est romantique, qui est fausse. Le monde bourgeois du XIXe siècle a défini le poète comme un excentrique, un romantique, un mec qui se défonce.

Dans le rock, l'imagerie romantique nous colle aux basques. Soit dit en passant, Pete Doherty aujourd'hui ne se défonce pas plus que Baudelaire hier, au vin, à l'opium, à l'absinthe... En comparant des gravures de Victor Hugo, Gérard de Nerval, Alfred de Vigny, avec des posters des rockers des années 1970, c'est frappant. Regardez le chanteur Jeff Buckley avant sa mort en 1997, ou Cliff Richard en 1972 : le look négligé calculé, être entre l'animal et l'ange.

Rimbaud et Baudelaire disaient que la poésie ne servait à rien. Alors, il faut avoir assez de force de caractère pour faire les choses tout en sachant qu'elles ne servent à rien. Il faut une vertu supérieure pour tenir contre l'"à quoi bon ?". Il faut faire, faire. C'est essentiel.


Propos recueillis par Véronique Mortaigne

16 novembre 2007

Yahoo! paye le prix de ses liens avec la cyberpolice chinoise

C'est le prix de la trahison, et Yahoo l'a payé. La société américaine a en effet accepté de dédommager les familles du journaliste Shi Tao et du dissident Wang Xiaoning, emprisonnés en Chine sur la base d'informations communiquées à la justice chinoise par Yahoo.

Cette affaire empoisonne la réputation de Yahoo depuis plus de deux ans. Shi Tao, un journaliste chinois, a été condamné à dix ans de prison en avril 2005 pour "diffusion de secrets d'Etat", pour avoir transmis à l'étranger les consignes officielles aux médias chinois à l'occasion du quinzième anniversaire du massacre de Tiananmen en 1989. Au cours de son procès, on a appris que la police chinoise avait pu remonter jusqu'à lui grâce aux informations communiquées par Yahoo sur le compte e-mail de Shi Tao, pourtant enregistré auprès de Yahoo à Hongkong et pas en Chine continentale.

Mis en cause par les organisations de défense des droits de l'homme, Yahoo avait eu une défense maladroite, soulignant qu'il était obligé de coopérer avec la justice dans tous les pays où il opérait, généralement sur des affaires de pédophilie, de blanchiment d'argent, ou de trafic de drogue. Et qu'il ignorait le contexte de la requête de la justice chinoise. Jerry Yang, le fondateur de Yahoo (né Taiwan), avait visiblement sous-estimé l'émoi que cette affaire allait susciter, notamment dans la blogosphère américaine.

L'affaire devait finalement aboutir à une audition au Congrès, au cours de laquelle des responsables de Yahoo ont été sommés de s'expliquer sur cette "collaboration" avec la machine répressive chinoise. En présence de la mère du journaliste emprisonné, les dirigeants de Yahoo ont parlé de "malentendu". Mais ils se sont attiré une réplique cinglante du sénateur démocrate Tom Lantos: "alors que vous êtes des géants de la technologie et de la finance, moralement vous êtes des Pygmées"...

Circonstance aggravante, des révélations ultérieures ont montré que les dirigeants de Yahoo ont menti au Congrès. selon un document rendu public par le site chinois-américain Boxun.com, et relayé par la fondation américaine Dui Hua qui se consacre à la défense des prisonniers politiques chinois, Yahoo a répondu à l'injonction de la sécurité d'Etat chinoise qui faisait clairement référence à la nature politique de l'enquête en cours. La requête du Bureau de la sécurité d'Etat de Pékin à Yahoo évoquait spécifiquement "la transmission illégale de secrets d'Etat à des entités étrangères".

La fondation Dui Hua rappelle que lors d'une audition sous serment, le vice-président senior de Yahoo, Michael Callahan, avait affirmé: "Lorsque Yahoo Chine, à Pékin, a reçu une demande d'information sur un utilisateur dont nous avons appris par la suite qu'il s'agissait de Shi Tao, nous n'avions aucune information sur la nature de l'enquête".

Epilogue cette semaine, avec l'accord à l'amiable conclu entre les avocats de Yahoo et les familles de Shi Tao et du dissident Wang Xiaoning , condamné en 2003 dans des circonstances assez similaires. Les deux familles avaient porté plainte contre Yahoo en Californie. Les détails financiers de la transaction n'ont pas été révélés.

Affaire classée? Pas si sûr: outre le fait que les deux hommes restent en prison, Yahoo n'a pas indiqué comment il se comporterait en cas de requête du même ordre. Yahoo est fortement présent en Chine, avec un investissement d'un milliard de dollars dans le géant chinois Alibaba.com (qui a récement fait une entrée en bourse fracassante), et entend bien profiter du fabuleux marché chinois...

Plus généralement, c'est le rôle des grandes sociétés étrangères, fournisseurs de contenu ou de technologie, dans leurs rapports avec le gouvernement chinois qui est en cause. L'épilogue de l'affaire Yahoo/Shi Tao a au moins le mérite de leur montrer qu'il y a un prix à payer à collaborer avec une machine représsive.

Source : Là !

11 novembre 2007

FACEBOOK racheté par Microsoft : voilà le résultat...

Le site Facebook vend le profil de ses internautes aux publicitaires

La publicité en ligne est en train de franchir un nouveau palier dans l'exploitation de l'intimité des individus. Grâce à l'efficacité des outils de collecte et de mise en relations du Web, des formats émergent qui sont capables d'exploiter l'énorme quantité de données que les internautes livrent sur leurs blogs, leurs pages personnelles..., souvent sans précautions. Ces formats entendent aussi infiltrer les liens toujours plus nombreux que les internautes tissent avec leurs "cyber-amis".


Facebook, le réseau social actuellement le plus en vogue de l'Internet, a dévoilé, mardi 6 novembre, une offre publicitaire donnant aux annonceurs accès aux "profils" de ses 50 millions de membres et à la multitude de données privées (sexe, âge, préférences sexuelles, politiques, religieuses...) qu'ils contiennent. Les internautes auront néanmoins le droit de refuser une telle intrusion.

Le site, d'origine américaine, qui permet de créer gratuitement sa page personnelle, puis de multiplier les liens avec d'autres, encourage désormais les marques à créer leurs propres "profils" et à interagir avec ceux des internautes. Elles peuvent ainsi les inciter à recommander leurs produits à leurs connaissances.

"Nous allons aider vos marques à faire partie des conversations quotidiennes" entre les membres, a déclaré Mark Zuckerberg, le tout jeune PDG et fondateur (23 ans) de Facebook, dans une lettre aux annonceurs révélée par la presse américaine. "Il y a toujours eu du bouche-à- oreille, mais c'est une nouvelle façon de l'utiliser. Facebook devient tout à la fois un média et un outil de relations publiques", selon David Kenny, patron de Digitas, filiale numérique du groupe publicitaire Publicis. "Le réseau social parie sur le fait qu'un conseil d'ami a en général plus d'influence qu'une publicité", ajoute Kris Oser, du cabinet américain eMarketer.

MySpace (110 millions de membres), grand rival de Facebook, a aussi lancé en juillet son programme de publicités ciblées, qui range les internautes par catégories en fonction de leur profil et des messages qu'ils échangent. Google, le moteur de recherche le plus populaire du Web, utilise déjà son outil de messagerie, GMail, pour envoyer des publicités ciblées aux internautes. Et il a racheté la régie publicitaire Doubleclick - Bruxelles doit donner son feu vert -, qui lui donnera accès à une mine d'informations sur les consultations et les achats en ligne.

Les annonceurs se réjouissent : la publicité "ultra-ciblée" est leur Saint-Graal, elle promet une efficacité maximale. Mais les internautes joueront-ils le jeu ? Et quid de la protection de leurs données personnelles ?

Les premiers formats publicitaires apparus sur Internet étaient de simples "bannières" (statiques, puis animées, avec des vidéos). Hormis les adversaires résolus de toute forme de réclame, elles sont aujourd'hui globalement bien tolérées par les internautes car jugées peu "intrusives". De fait, les plus raffinées d'entre elles se contentent d'exploiter des informations "contextuelles". Elles ciblent les internautes en fonction des sites qu'ils ont visités avant d'arriver sur la page sur laquelle elles lui apparaissent.

Puis, à partir de 2002, capitalisant sur l'efficacité de son moteur de recherche, Google a popularisé le concept de "liens sponsorisés". Les annonceurs ont pu acheter des mots-clés. Si ces derniers faisaient l'objet d'une requête sur le moteur Google, leurs sites apparaissaient dans la réponse à cette requête. L'offre a été plébiscitée par les annonceurs, à tel point que Google capte aujourd'hui environ 40 % du total des dépenses publicitaires en ligne. Les marques apprécient tout particulièrement la possibilité, grâce à l'offre automatisée de Google, de mesurer instantanément le taux de retour sur investissement de leur publicité.

Les internautes ont suivi, Google ayant su ne pas sacrifier la pertinence des réponses à leurs recherches au profit des annonceurs. En effet, les "liens sponsorisés" restent clairement identifiables, et n'apparaissent pas toujours en première place dans les réponses aux requêtes.

Les offres de Facebook et de MySpace pourraient susciter davantage de crispations. Les défenseurs des données personnelles sur Internet ont vivement réagi à l'annonce de Facebook, mardi.

"C'EST ÉCŒURANT"

Marc Rotenberg, directeur de l'Electronic Privacy Information Center (EPIC), une association américaine, crie à la trahison : "Les réseaux sociaux se sont développés sur la confiance : leurs membres pouvaient restreindre l'accès à leurs profils et choisir les cyber-amis qu'ils voulaient. Aujourd'hui, ces réseaux veulent valoriser leur vie privée : c'est écoeurant." Jeff Chester, directeur du Center for digital democracy, autre groupe d'influence basé à Washington, encourage les utilisateurs de MySpace et de Facebook à protester en quittant ces réseaux pour d'autres "plus respectueux de leur vie privée". Il réclame que la Commission fédérale du commerce américaine enquête sur les offres publicitaires de ces réseaux. " Le droit des données personnelles américain est quasi-inexistant. En France, nous avons une législation plus protectrice mais Facebook, qui n'a pas encore de filiale en France, n'a pas vraiment de raisons de faire des fleurs à un petit pays comme le nôtre", juge Charles Simon, de l'Internet Society (ISOC), une autre association.

Si les publicités "ultra-ciblées" de Facebook suscitent globalement l'intérêt des professionnels de la publicité et du marketing, certains doutent de leur efficacité. "La difficulté, pour Facebook, va être de trouver des internautes qui veuillent bien se prêter au jeu, notamment à celui des recommandations commerciales", estime Jennifer Simpson, du Yankee Group, un cabinet d'études. Pas sûr que les membres du réseau acceptent d'abreuver leurs cyber-amis de messages commerciaux : ils risqueraient trop de les perdre. " Vous imaginez un internaute avertir tout son réseau de cyber-connaissances, y compris son chef, qu'il vient de se réserver sur Travelocity un super voyage de trois semaines à Cancun, alors que son entreprise est en plein boom ?", ajoute M. Oser, de eMarketer, qui ne croit pourtant pas que les membres de Facebook vont déserter. " Ma fille de 15 ans, qui comme ses copines, est complètement accro, m'explique que Facebook ne peut pas faire autrement que de vendre de la publicité, sinon il disparaîtra (car il ne pourra pas financer son développement)", raconte-t-il.

Pour beaucoup cependant, Facebook aura du mal, avec sa nouvelle offre publicitaire, à devenir un nouveau Google. Du coup, l'énorme valorisation de Facebook laisse certains songeurs. Ainsi de Barry Diller, le président du groupe de médias InterActive Corp, pour qui Facebook " est un outil intelligent mais il ne vaut pas 15 milliards de dollars". Pour Maurice Lévy, président de Publicis, " tout ce qui est réseau social est à la mode, mais on n'a pas eu la démonstration que cela génère des revenus importants".

Cécile Ducourtieux et Laurence Girard