L’entreprise assassine
Un exemple parmi d’autres, Anniston. « Monsanto a fait d’Anniston une ville fantôme ». Des années durant, la firme a déversé des PCB (ou polychlorobiphényles), huiles chimiques hautement toxiques, un peu partout dans la ville. « Mon petit frère est mort à dix-sept ans, d’une tumeur au cerveau et d’un cancer des poumons… il est mort parce qu’il mangeait les légumes de notre jardin et le poisson qu’il pêchait dans un cour d’eau hautement contaminé ! » (David Baker, président du comité d’Anniston contre la pollution). Selon un rapport déclassifié, « 308 000 tonnes de PCB ont été fabriqués à Anniston de 1929 à 1971. Sur ce total de déchets contaminés, 32 000 tonnes ont été déposés dans une décharge à ciel ouvert, au coeur de la communauté noire de la ville » (p. 23). Jusqu’en 1971 ! Pourtant, dès 1937, Monsanto savait que les PCB représentaient un grave danger pour la santé. Alors pourquoi continuer à polluer ? A cause d’une idéologie claire, formulée dans un document déclassifié de la firme, « Pollution letter » (daté du 16 février 1970), Monsanto « ne peut pas se permettre de perdre un dollar de business ».
Suite à une plainte déposée par 20 000 habitants de Anniston en 2001, Monsanto est jugée coupable d’avoir « pollué le territoire d’Anniston et le sang de sa population avec les PCB ». Et condamnée à payer 700 millions de dollars de dommages et intérêts. Mais, regrette David Baker, « aucun des dirigeants de la firme n’a été condamné à de la prison » (p. 39).
Des politiques complices
De 1997 à 2007, les cultures transgéniques se sont étendues sur plus de cent millions d’hectares dans le monde. Et Monsanto possède 90 % des OGM cultivés sur la planète, emploie 18 000 salariés dans une cinquantaine de pays, et ses bénéfices ne cessent de grimper (ils ont atteint le milliard de dollars). De l’autre côté, dans des pays comme l’Inde, le Mexique ou le Paraguay, des millions de paysans subissent déjà les conséquences, lourdes, des OGM (faillite de leur modeste entreprise, étranges maladies de peau constatées chez les enfants qui traversent quotidiennement les champs génétiquement modifiés…).
Pourquoi laisse-t-on ce dangereux géant industriel opérer ?
La réponse est simple. Face aux pressions de la firme, les politiques ne font pas le poids. En 1998, le bureau de Tony Blair fait stopper les travaux trop gênants du scientifique Arpad Pusztai. Dan Glickman, ministre de l’Agriculture de Bill Clinton de 1995 à 2000 avoue quant à lui à Marie-Monique Robin avoir « subi beaucoup de pressions de la part de l’industrie [Monsanto] et de certains membres du gouvernement ». L’entreprise finance, en toute légalité, les campagnes électorales des grands partis. Mais plus efficace est « sa capacité d’infiltration dans tous les rouages décisionnels du pays », via le système des « portes tournantes » (chaises musicales) : quatre ministères importants de l’administration W. Bush sont ainsi « tenus par des proches de Monsanto, soit qu’ils aient reçu des subsides de la firme, soit qu’ils aient travaillé directement pour elle ». Parmi ces collaborateurs, citons pêle-mêle John Ashcroft, Tommy Thompson, Ann Venneman, Donald Rumsfeld et Clarence Thomas (p. 178).
Laissons le mot de la faim à Vandana Shiva, présidente de la fondation Navdanya en Inde. Pour cette militante anti-OGM, le seul but de la « seconde révolution verte », c’est « d’augmenter les profits de Monsanto ». Dès lors que chaque paysan dépendra de cette firme pour chaque grain semé, pour chaque champ cultivé, non seulement l’entreprise empochera quantité de royalties, mais, plus puissante qu’une bombe, elle contrôlera les populations du monde.
Alors ne craignez rien, Monsanto veille au grain !
Marie-Monique Robin, Le monde selon Monsanto - De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien, éditions La Découverte, 370 pages (parution : le 6 mars 2008).
Source : Bakchich