Quand, dans Basic Instinct, Sharon Stone prend une douche interminable, elle ne provoque pas en moi de pulsion érotique, mais un certain agacement. Si l'actrice est belle, et il ne faut jamais négliger la beauté, la scène est caractéristique d'un mode de vie aberrant. L'écrivaine américaine Barbara Kingsolver évoquerait la surconsommation de la minorité puissante. Il s'agit d'une exhibition obscène. Plus de un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable dans le monde et nous en gaspillons pour nous laver le cul. Pis, les sociétés développées dépensent des milliards d'euros pour l'utilisation d'eau potable dans leurs WC. Des entreprises privées réalisent des profits colossaux dans ce secteur. Alors pourquoi Sharon Stone fermerait-elle le robinet ? Tandis que la consommation d'eau par habitant et par jour est de 600 litres aux Etats-Unis et de plus de 300 litres en France, une Africaine parcourt en moyenne six kilomètres à pied par jour pour approvisionner sa famille.
Je me souviens d'une image émouvante. C'était aux Philippines. La pluie tombait en épais rideaux. Dans les rues, des gens s'empressaient de remplir des seaux, des bassines et des casseroles. Une fillette secouait un auvent et se lavait avec l'eau qui s'en déversait. L'eau était fraîche, mais comme elle se régalait ! Depuis ce jour, je ne m'éternise jamais sous la douche mais je me sens tout de même très privilégié. J'agirais autrement que je ne serais pas loin de croire que je commets un crime. Déjà que la banquise se disloque, que les ours blancs pataugent dans la boue, que le désert gagne partout. Déjà que certaines de nos rivières sont si polluées que les poissons changent de sexe, que les océans menacent d'engloutir des îles et des pays entiers. Déjà que, pour être né dans un pays riche, je participe à l'appauvrissement de la planète, du bien commun. On a tué et on tuera encore pour de l'eau. Les risques de conflits pour le contrôle de l'eau augmentent, du Golan au Gange, de l'Euphrate à l'Indus, de la mer Caspienne au Colorado. Si les perspectives n'étaient pas aussi sombres, je me repasserais bien Basic Instinct, sans colère, juste pour me rincer l'oeil...
Pascal DESSAINT
Je me souviens d'une image émouvante. C'était aux Philippines. La pluie tombait en épais rideaux. Dans les rues, des gens s'empressaient de remplir des seaux, des bassines et des casseroles. Une fillette secouait un auvent et se lavait avec l'eau qui s'en déversait. L'eau était fraîche, mais comme elle se régalait ! Depuis ce jour, je ne m'éternise jamais sous la douche mais je me sens tout de même très privilégié. J'agirais autrement que je ne serais pas loin de croire que je commets un crime. Déjà que la banquise se disloque, que les ours blancs pataugent dans la boue, que le désert gagne partout. Déjà que certaines de nos rivières sont si polluées que les poissons changent de sexe, que les océans menacent d'engloutir des îles et des pays entiers. Déjà que, pour être né dans un pays riche, je participe à l'appauvrissement de la planète, du bien commun. On a tué et on tuera encore pour de l'eau. Les risques de conflits pour le contrôle de l'eau augmentent, du Golan au Gange, de l'Euphrate à l'Indus, de la mer Caspienne au Colorado. Si les perspectives n'étaient pas aussi sombres, je me repasserais bien Basic Instinct, sans colère, juste pour me rincer l'oeil...
Pascal DESSAINT
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