06 janvier 2008

Il faut utiliser le pétrole de façon optimale.

Avec un baril qui effleure les 100 dollars, la recherche d’une voie alternative au pétrole s’impose. Mais sortir du pétrole implique un changement radical de notre mode de produire, de consommer et des changements profonds dans nos habitudes au quotidien. Anne Gouyon, qui a co-écrit avec Maximilien Rouer "Réparer la planète, la révolution de l’économie positive", nous explique comment ce défi est une occasion pour changer en mieux.

Le pétrole à 100 dollars, est-ce une chance ?

Au niveau global, c’est clairement une chance car les entreprises vont être incitées à utiliser moins de pétrole et les politiques à mettre en place des mesures pour réduire la dépendance des carburants fossiles. C’est une chance pour l’économie et la planète, mais les gens risquent d’être fortement touchés, notamment les ménages les plus pauvres. Il faut que les gouvernements saisissent la balle au bond pour prévoir très vite des solutions pour le chauffage, l’isolation, les transports. On parle beaucoup de pouvoir d’achat : c’est l’occasion de faire quelque chose. Le baril à 100 dollars, on l’annonçait depuis un bon moment. Dans les cinq prochaines années, il pourrait atteindre les 200 voire 3000 dollars.

C'est là qu'entre en jeu l’économie positive ?

L’environnement et les ressources de la planète sont gravement dégradés aujourd’hui. Penser à l’avenir, n’est pas seulement une question de faire moins de mal, de ne pas avoir un impact négatif : il faut avoir un impact positif. C’est l’idée à la base de ce que nous appelons l’économie positive, une économie qui restaure et enrichisse le capital écologique de l’humanité tout en assurant une croissance économique et en créant des emplois.

Pouvez-vous citer un exemple des solutions à envisager ?

Concrètement, dans le secteur du bâtiment il est déjà possible de construire des maisons à énergie positive, ultra efficaces. Par l’isolation et en valorisant le flux du soleil dans l’orientation du bâtiment, une maison peut consommer 10 fois moins d’énergie. Les besoins restants sont remplis par les énergies renouvelables de façon à que la maison soit totalement autonome, et même, pendant certaines périodes de l’année, puisse produire plus d’énergie qu’il lui en faut et la revendre aux réseaux de distribution.

Et pour les bâtiments existants ?

Le Grenelle de l’environnement a lancé le projet d’un vaste programme de rénovation. Il est parfois cher d’intervenir sur le bâti existant, donc il faut orienter les efforts en priorité là où il y a un meilleur rapport entre l’argent investi et les économies d’énergie à venir. Ce grand chantier va lancer une dynamique de création d’emplois et d’innovation de la part des industriels, qui permettra de faire baisser les coûts. Investir dans les économies d’énergie permet aussi de récupérer du pouvoir d’achat. Il ne faut pas oublier que le prix du baril de pétrole augmente et que des 100$ d’aujourd’hui il pourra toucher les 200, voire 300$.

Un autre poste énergétivore est celui des transports. Comment faire sans pétrole ?

Avant de substituer de nouvelles énergies au pétrole, commençons par être plus efficaces. L’énergie moins chère est d’abord celle qu’on ne consomme pas. Aujourd’hui les constructeurs proposent des gros 4X4 à motorisation hybride : c'est prendre le problème à l'envers. Dans une voiture qui pèse entre 1 tonne et 1,5 tonne, sur 100 litres de pétrole consommés, 1 litre seulement sert à déplacer la personne, le reste est dissipé sous forme de chaleur, ou sert à déplacer la voiture elle-même. Rendre les voitures plus efficaces peut se faire par l’aérodynamique, par l’utilisation de matériaux moins lourds et par conséquent par l’utilisation de moteurs plus légers. Il existe déjà des exemples. Une PME allemande, Loremo, devrait commercialiser en 2009 un coupé de sport qui consomme entre 1,5 et 2,7 litres pour 100km, contre les 8 litres d’une Hyundai coupé.

Il existe aussi des solutions pour rouler sans pétrole…

Oui, mais il est important de penser d’abord à l’efficacité énergétique, car les solutions alternatives dépendent largement du soleil et donc des surfaces disponibles qui ne sont pas illimitées. Il est possible de faire rouler les voitures en utilisant des biocarburants de deuxième ou troisième génération, fabriqués à base de plantes cultivées sur des sols marginaux, qui ne rentrent pas en concurrence avec la production alimentaire. En France, on investit très peu dans ces technologies, alors qu’à l’étranger des projets prometteurs sont menés. La société britannique D1 Oils investit par exemple dans une plante, le Jatropha curcas, qui sert à la production de biodiesel. Cette plante peut être cultivée dans des zones désertifiées permettant de valoriser et reverdir des territoires considérés hier improductifs. Cela intéresse beaucoup de pays africains, mais aussi l'Inde, l'Indonésie, le Mexique… Un autre exemple est la voiture à air comprimé de Guy Nègre. Fort de son expérience dans la F1, où le système de démarrage des voitures fonctionne à l’air comprimé, il a conçu une voiture qui roule avec ce même procédé, qui permet de stocker de l'énergie plus efficacement qu'une batterie. Si l'énergie provient de sources renouvelables, cela permet de concevoir des véhicules "propres". Ce procédé faisait rire tout le monde et les constructeurs européens ont refusé le projet. Guy Nègre a fini par signer un contrat de licence avec Tata, le leader indien de l’automobile !

Pourra-t-on, un jour, se passer totalement de pétrole ?

Il y a 100 ans, on vivait sans pétrole ! Concrètement, il faut que nous utilisions cette ressource de manière optimale. Le pétrole a des multiples usages au-delà de sa capacité à produire de l’énergie par combustion : dans la chimie et pour fabriquer du plastique, par exemple. On gardera le pétrole pour ces utilisations plus nobles et, un jour, on dira que c’était stupide de le brûler.

Que changera dans notre façon de vivre ?

Nous avons le choix de changer pour un mode de vie plus agréable. Je pense que personne ne regrettera la pollution causée par les voitures dans les centre-villes. Elles seront remplacées par des transports propres, silencieux et on pourra rouler à vélo sans avoir une peur bleue de se faire renverser. Notre rapport à l’énergie et au territoire va changer. Nous nous déplacerons et nous communiquerons de façon différente. Au lieu de passer deux heures par jour dans des embouteillages coincés dans une boîte en acier et exposés à la pollution, des solutions pour travailler à distance seront mises en place, regroupant des gens du même immeuble ou du même quartier dans un même bureau. IBM expérimente déjà de telles solutions, qui permettent de limiter le temps passé dans les transports pour ses salariés. Les usines se tourneront les ressources locales - déchets, biomasse, soleil, vent – pour s’approvisionner en énergie et en matières premières.

BeCitizen propose des solutions aux entreprises. Dans votre travail, percevez-vous une volonté de changement de la part des décideurs ?
Ce qui est sur est que les entreprises comprennent très bien qu’il faut chercher des solutions pour réduire leurs dépenses énergétiques. La hausse du prix du pétrole et des matières premières en général est très préoccupante pour leur marge. Une entreprise doit survivre dans un monde compétitif et son souci est de passer la fin de l’année. C’est le directeur financier que nous allons voir, pas seulement le directeur développement durable ! Il n’y a pas d’autre solution si on ne veut pas tomber dans une crise économique pire que celle de 1930, lorsque les gens se jetaient des fenêtres…

Comment être confiants dans l’avenir ?

Je pense qu’il faut revenir à un certain enthousiasme, ce qui est souvent perçu comme naïveté en France. Aux Etats-Unis, en Chine et en Inde, on retrouve ce sentiment, ils vont très vite. La Californie est en train de se redéfinir fortement autour des énergies renouvelables. En Chine, on construit près de Shanghai une première éco-ville de 500 000 habitants. C’est un test, un test à l’échelle chinoise… En France, on est plus occupés à trouver des obstacles. Par exemple, lorsqu’on parle de biocarburants à base d’algues, en France on dit « ce n’est pas possible », alors que des sociétés aux Etats-Unis et en Australie investissent dans cette technique. Ils auront peut-être tort, mais ils essayent. Changer n’est pas facile, je pense que les Français commenceront à être plus optimistes lorsqu’ils verront des réalisations concrètes. C’est ce qu’on espère voir avec la mise en place des mesures du Grenelle de l’environnement.

Soure : Metro

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