11 novembre 2007

FACEBOOK racheté par Microsoft : voilà le résultat...

Le site Facebook vend le profil de ses internautes aux publicitaires

La publicité en ligne est en train de franchir un nouveau palier dans l'exploitation de l'intimité des individus. Grâce à l'efficacité des outils de collecte et de mise en relations du Web, des formats émergent qui sont capables d'exploiter l'énorme quantité de données que les internautes livrent sur leurs blogs, leurs pages personnelles..., souvent sans précautions. Ces formats entendent aussi infiltrer les liens toujours plus nombreux que les internautes tissent avec leurs "cyber-amis".


Facebook, le réseau social actuellement le plus en vogue de l'Internet, a dévoilé, mardi 6 novembre, une offre publicitaire donnant aux annonceurs accès aux "profils" de ses 50 millions de membres et à la multitude de données privées (sexe, âge, préférences sexuelles, politiques, religieuses...) qu'ils contiennent. Les internautes auront néanmoins le droit de refuser une telle intrusion.

Le site, d'origine américaine, qui permet de créer gratuitement sa page personnelle, puis de multiplier les liens avec d'autres, encourage désormais les marques à créer leurs propres "profils" et à interagir avec ceux des internautes. Elles peuvent ainsi les inciter à recommander leurs produits à leurs connaissances.

"Nous allons aider vos marques à faire partie des conversations quotidiennes" entre les membres, a déclaré Mark Zuckerberg, le tout jeune PDG et fondateur (23 ans) de Facebook, dans une lettre aux annonceurs révélée par la presse américaine. "Il y a toujours eu du bouche-à- oreille, mais c'est une nouvelle façon de l'utiliser. Facebook devient tout à la fois un média et un outil de relations publiques", selon David Kenny, patron de Digitas, filiale numérique du groupe publicitaire Publicis. "Le réseau social parie sur le fait qu'un conseil d'ami a en général plus d'influence qu'une publicité", ajoute Kris Oser, du cabinet américain eMarketer.

MySpace (110 millions de membres), grand rival de Facebook, a aussi lancé en juillet son programme de publicités ciblées, qui range les internautes par catégories en fonction de leur profil et des messages qu'ils échangent. Google, le moteur de recherche le plus populaire du Web, utilise déjà son outil de messagerie, GMail, pour envoyer des publicités ciblées aux internautes. Et il a racheté la régie publicitaire Doubleclick - Bruxelles doit donner son feu vert -, qui lui donnera accès à une mine d'informations sur les consultations et les achats en ligne.

Les annonceurs se réjouissent : la publicité "ultra-ciblée" est leur Saint-Graal, elle promet une efficacité maximale. Mais les internautes joueront-ils le jeu ? Et quid de la protection de leurs données personnelles ?

Les premiers formats publicitaires apparus sur Internet étaient de simples "bannières" (statiques, puis animées, avec des vidéos). Hormis les adversaires résolus de toute forme de réclame, elles sont aujourd'hui globalement bien tolérées par les internautes car jugées peu "intrusives". De fait, les plus raffinées d'entre elles se contentent d'exploiter des informations "contextuelles". Elles ciblent les internautes en fonction des sites qu'ils ont visités avant d'arriver sur la page sur laquelle elles lui apparaissent.

Puis, à partir de 2002, capitalisant sur l'efficacité de son moteur de recherche, Google a popularisé le concept de "liens sponsorisés". Les annonceurs ont pu acheter des mots-clés. Si ces derniers faisaient l'objet d'une requête sur le moteur Google, leurs sites apparaissaient dans la réponse à cette requête. L'offre a été plébiscitée par les annonceurs, à tel point que Google capte aujourd'hui environ 40 % du total des dépenses publicitaires en ligne. Les marques apprécient tout particulièrement la possibilité, grâce à l'offre automatisée de Google, de mesurer instantanément le taux de retour sur investissement de leur publicité.

Les internautes ont suivi, Google ayant su ne pas sacrifier la pertinence des réponses à leurs recherches au profit des annonceurs. En effet, les "liens sponsorisés" restent clairement identifiables, et n'apparaissent pas toujours en première place dans les réponses aux requêtes.

Les offres de Facebook et de MySpace pourraient susciter davantage de crispations. Les défenseurs des données personnelles sur Internet ont vivement réagi à l'annonce de Facebook, mardi.

"C'EST ÉCŒURANT"

Marc Rotenberg, directeur de l'Electronic Privacy Information Center (EPIC), une association américaine, crie à la trahison : "Les réseaux sociaux se sont développés sur la confiance : leurs membres pouvaient restreindre l'accès à leurs profils et choisir les cyber-amis qu'ils voulaient. Aujourd'hui, ces réseaux veulent valoriser leur vie privée : c'est écoeurant." Jeff Chester, directeur du Center for digital democracy, autre groupe d'influence basé à Washington, encourage les utilisateurs de MySpace et de Facebook à protester en quittant ces réseaux pour d'autres "plus respectueux de leur vie privée". Il réclame que la Commission fédérale du commerce américaine enquête sur les offres publicitaires de ces réseaux. " Le droit des données personnelles américain est quasi-inexistant. En France, nous avons une législation plus protectrice mais Facebook, qui n'a pas encore de filiale en France, n'a pas vraiment de raisons de faire des fleurs à un petit pays comme le nôtre", juge Charles Simon, de l'Internet Society (ISOC), une autre association.

Si les publicités "ultra-ciblées" de Facebook suscitent globalement l'intérêt des professionnels de la publicité et du marketing, certains doutent de leur efficacité. "La difficulté, pour Facebook, va être de trouver des internautes qui veuillent bien se prêter au jeu, notamment à celui des recommandations commerciales", estime Jennifer Simpson, du Yankee Group, un cabinet d'études. Pas sûr que les membres du réseau acceptent d'abreuver leurs cyber-amis de messages commerciaux : ils risqueraient trop de les perdre. " Vous imaginez un internaute avertir tout son réseau de cyber-connaissances, y compris son chef, qu'il vient de se réserver sur Travelocity un super voyage de trois semaines à Cancun, alors que son entreprise est en plein boom ?", ajoute M. Oser, de eMarketer, qui ne croit pourtant pas que les membres de Facebook vont déserter. " Ma fille de 15 ans, qui comme ses copines, est complètement accro, m'explique que Facebook ne peut pas faire autrement que de vendre de la publicité, sinon il disparaîtra (car il ne pourra pas financer son développement)", raconte-t-il.

Pour beaucoup cependant, Facebook aura du mal, avec sa nouvelle offre publicitaire, à devenir un nouveau Google. Du coup, l'énorme valorisation de Facebook laisse certains songeurs. Ainsi de Barry Diller, le président du groupe de médias InterActive Corp, pour qui Facebook " est un outil intelligent mais il ne vaut pas 15 milliards de dollars". Pour Maurice Lévy, président de Publicis, " tout ce qui est réseau social est à la mode, mais on n'a pas eu la démonstration que cela génère des revenus importants".

Cécile Ducourtieux et Laurence Girard

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