01 novembre 2005

Une peur démesurée ?


Le point sur la grippe aviaire


Depuis 1997, 121 personnes - toutes en Asie - ont contracté la grippe aviaire. Presque la moitié d'entre elles y ont succombé. D'après les enquêtes, elles avaient été en contact étroit avec des volailles contaminées. Des milliers d'oiseaux et de poulets ont été touchés par la grippe aviaire.

La grippe aviaire est une maladie qui cause une infection du système digestif chez les oiseaux, surtout chez les poulets et les dindes. Cette épizootie est attribuable à un virus de type influenza, semblable à celui de la grippe commune chez l'humain. Plusieurs variantes de ce virus ont déjà été détectées. La souche nommée H5N1 est celle qui se transmet des oiseaux à l'humain.

Les canards et les oies sauvages constitueraient un réservoir naturel pour la grippe aviaire, car ils cohabitent bien avec le virus1. Leurs mouvements migratoires participeraient à l'éclosion de foyers d'infections à l'extérieur de l'Asie, notamment en Allemagne, en Turquie, en Roumanie. On a trouvé, récemment, le virus de type H5 au Canada (Ontario et Québec) sur des oiseaux sauvages. Selon les autorités, il n'aurait pas de lien avec la souche mortelle H5N1.

Chez l'humain, de prime abord, les symptômes de la grippe au virus H5N1 peuvent se confondre avec ceux de la grippe habituelle : fièvre, toux, douleurs musculaires, migraines et difficultés respiratoires. Dans les cas les plus graves, des infections pulmonaires virales (comme des pneumonies) se sont avérées mortelles.


Une peur démesurée?

Devant la menace imminente d'une nouvelle pandémie de grippe causée par la souche H5N1 du virus de la grippe aviaire, les experts en santé publique et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) lancent, à la population, des appels au calme.

« Actuellement, c'est un problème d'ordre vétérinaire, et un problème potentiel en santé publique, affirme Dr Michel Savard, médecin-conseil au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. L'inquiétude est normale devant l'inconnu, mais il est prématuré d'avoir une inquiétude excessive. »

Aucun cas de transmission d'humain à humain n'a été rapporté jusqu'ici. « Présentement, il faut courir après le virus de la grippe aviaire pour l'attraper. Il faut presque dormir avec les poules! », ajoute-t-il. Des pandémies de grippes, il y en a toujours eu et il y en aura toujours, selon Dr Savard. «Mais, aujourd'hui, on a la capacité de mettre en évidence des choses qu'on ne voyait pas auparavant, dit-il. Il faudrait faire attention de bien interpréter ces données. »

En ce moment, la priorité consiste à aider les gouvernements des pays asiatiques à surveiller et à contrôler attentivement l'infection chez les oiseaux, de même qu'à prévenir le transfert du virus à l'humain. C'est ce qui ressort de la conférence internationale d'Ottawa2, qui se déroulait les 24 et 25 octobre derniers. Celle-ci réunissait les délégués de 30 pays et de 9 organisations internationales, dont l'OMS.
La prochaine pandémie?

Pour causer une pandémie, il faudrait que des mutations génétiques du virus surviennent, qui lui permettraient d'être contagieux d'humain à humain. La souche H5N1 est une bonne candidate pour la prochaine pandémie puisqu'elle mute facilement et se propage aisément.

Néanmoins, Dr Éric Frost, microbiologiste en charge de la sérologie et de la virologie au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, croit que la prochaine pandémie de grippe n'est pas pour demain matin. De façon plus réaliste, peut-être pas avant cinq ou dix ans, selon lui.

D'après l'Organisation mondiale de la Santé, on peut s'attendre, en moyenne, à trois ou quatre pandémies par siècle1. La plus récente pandémie a eu lieu en 1968. Il s'agissait de la grippe de Hong Kong.

Selon Dr Michel Savard, il est prématuré de prédire que la souche H5N1 sera à l'origine de la prochaine pandémie de grippe. Cela dit, les autorités de santé publique ne doivent pas sous-estimer l'impact que peut avoir une telle pandémie. Les mesures de surveillance et d'urgence que l'on met présentement en place sont primordiales. Elles seront valables pour les années à venir, peu importe la souche de grippe impliquée.

Un autre inconnu majeur : impossible de prédire la gravité qu'aurait une éventuelle pandémie du virus H5N1. « Chose certaine, explique Dr Savard, les chiffres [121 cas d'infection dont 62 morts] dont on dispose actuellement sont trompeurs. On n'a aucune idée du nombre de personnes qui ont été infectées par le virus. Les cas rapportés sont des personnes qui ont été hospitalisées et analysées. Les pires cas, finalement. » Ce serait, d'après lui, une grave erreur de transposer cette proportion de mortalité à la population générale. Rappelons, à titre d'exemple, que le taux de mortalité de la grippe espagnole, qui a sévi dans les années 1918 et 1919, était de 1 % à 2 %.

Une pandémie
Durant une pandémie, les effets de l'infection sont plus graves. Répandue mondialement, l'infection peut avoir des conséquences terribles sur la santé, peu importe l'âge des sujets touchés. L'humain ne possède pas d'anticorps spécifiques contre la souche de grippe H5N1 puisqu'il ne l'a jamais rencontrée, explique Éric Frost. Lorsque le virus franchit la barrière des espèces, l'histoire nous apprend que l'infection peut être très grave, déclare-t-il, faisant référence à la grippe espagnole, qui a fait des millions de morts. Par la suite, en s'adaptant à l'humain, le virus perdra tranquillement de sa virulence, prévoit-on.

Comment se préparer?

« Personne ne peut empêcher une pandémie, affirme Dr Michel Savard, mais on peut se préparer à en diminuer les impacts en protégeant les groupes les plus vulnérables. » À ce titre, l'administration de médicaments antiviraux en prévention aux personnes plus fragiles et au personnel hospitalier pourrait être adoptée si le virus subissait des mutations génétiques qui le rendraient contagieux d'humain à humain. Le Tamiflu est considéré comme l'antiviral le plus efficace, car il inhibe des virus semblables au virus de la grippe aviaire. Il peut aussi servir à diminuer les effets de la grippe, une fois les symptômes présents.

S'il y avait pandémie, un vaccin pourrait être fabriqué. Cependant, il faudra environ six mois pour le produire, selon Dr Éric Frost.

D'après lui, conserver à la maison des médicaments antiviraux, comme le Tamiflu ou le Relenza, n'est pas une bonne idée. Il déconseille aux gens de le faire. D'abord, parce qu'ils risquent d'être périmés lorsque la pandémie surviendra réellement. Ensuite, parce qu'on risque de manquer de médicaments au moment opportun. La compagnie Hoffman - La Roche, qui produit le Tamiflu, en a d'ailleurs récemment interrompu la distribution afin de ne pas épuiser ses réserves, puisque la saison de la grippe n'est pas commencée3. Qui plus est, les gens risquent d'utiliser le médicament à mauvais escient, au moindre symptôme grippal.

En Asie, où des milliers de personnes sont en contact étroit avec les volailles, on invite les gens à se laver les mains fréquemment. Les autorités préviennent également les voyageurs qui se rendent en Asie d'éviter tout contact avec des oiseaux d'élevage4. La salive, les sécrétions nasales et les excréments des oiseaux infectés contiennent le virus. Manger de la volaille ou des oeufs cuits ne pose cependant aucun risque d'infection, mentionne Santé Canada.
Peut-on faire plus?

Pour Dr Paul Lépine, tout ce qu'on peut faire pour l'instant, c'est renforcer sa première ligne de défense immunitaire contre les microbes. Il s'agit essentiellement d'avoir une bonne hygiène de vie, du repos, une bonne alimentation, un peu de méditation ou de Qi Gong, etc. Pour plus de détails, vous pouvez consulter la fiche Renforcer son système immunitaire

Il dénonce le scénario de catastrophe véhiculé par les médias. « Que les autorités sanitaires se préparent, très bien. Mais on alarme toute la population en créant une histoire d'horreur. Cela engendre un grand sentiment d'impuissance devant un virus qu'on dit mortel. C'est le meilleur moyen d'affaiblir le système immunitaire des gens! On provoque exactement l'effet inverse. » D'après lui, il n'y a pour l'instant rien à faire contre le virus, mais tout à faire pour soi, simplement en prenant soin de sa santé.



Pour en savoir plus :

Organisation mondiale de la Santé
Agence de santé publique du Canada
Santé Canada

- PASSEPORTSANTE -

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