30 novembre 2005

Sionisme ou Humanisme ?

Un Israélien s'interroge

"Pour un seul de mes deux yeux", d'Avi MOGRABI, questionne les mythes de l'histoire d'Israël

Il perd son sang-froid, Avi Mograbi, à la fin de son film. Face aux enfants qui font le pied de grue devant la clôture de séparation, il s'emporte contre les soldats de l'armée israélienne, qui refusent de leur ouvrir la grille. De retour de l'école, les enfants attendent de rentrer chez eux. Quand les soldats lui ordonnent de se taire, le réalisateur israélien leur rétorque que ce n'est pas à lui, civil, de recevoir des ordres mais à eux de servir les citoyens de leur pays. "Aujourd'hui, précise Avi Mograbi, les enfants peuvent au moins s'abriter sous un toit construit par les Nations unies".

Un "lavage de cerveau"

Le film rend palpable la tension omniprésente dans les territoires palestiniens occupés, où "tu ne sais jamais ce qui peut arriver", insiste le cinéaste. Fréquemment humiliés par les soldats de Tsahal, hommes, femmes et enfants palestiniens paraissent à bout de nerfs, à l'instar de ce groupe d'hommes, obligés de rester juchés sur une pierre en plein soleil, avec l'interdiction de se retourner.

Dans Pour un seul de mes deux yeux , Avi Mograbi alterne des séquences tournées sur le vif dans les territoires occupés avec des scènes filmées sur des lieux sacrés, en Israël, où touristes et jeunes étudiants sont sensibilisés au b.a.ba de l'histoire sioniste. "Sorte de lavage de cerveau, dénonce Avi Mograbi, qui ne tient pas compte d'autres lectures possibles." C'est ainsi que le suicide collectif des zélotes réfugiés à Massada qui, pour éviter de tomber aux mains des Romains, tuent femmes et enfants avant de se jeter de la falaise, est glorifié par les guides israéliens qui font visiter les vestiges. Or, pour certains historiens comme Flavius Josèphe, rapp elle Avi Mograbi, les zélotes sont des Juifs extrémistes qui n'hésitent pas à voler et à tuer leurs semblables pour arriver à leurs fins.

C'est à la suite de la vague d'attentats suicide, en 2002, que le réalisateur israélien, entendant parler de "la culture de mort dans l'islam", décide d'interroger "ses propres mythes fondateurs". Celui de Samson, enseigné à l'école, idéalise ce "héros" aux yeux crevés qui, acculé par le désespoir, décida de se suicider en provoquant la mort de milliers de Philistins, ses ennemis. Samson, qui invoque Dieu - "que je me venge des Philistins pour un seul de mes deux yeux"-, n'est jamais présenté comme le "tout premier kamikaze de l'histoire", remarque Avi Mograbi. Claire Cousin

'Une rétrospective des films d'Avi Mograbi est prévue à l'Espace Saint-Michel, 7, place Saint-Michel, Paris V e

Metro

28 novembre 2005

Messieurs, le Roi ! Poussez-vous !

PARIS (AP) - Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy épinglés pour la conduite de leurs chauffeurs dans l'hebdomadaire "Auto Plus".

Si le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur étaient pénalisés pour les infractions routières commises par leur voiture officielle, ils auraient perdu respectivement 75 et 40 points de permis sur une distance parcourue de 50km!

Les journalistes de l'hebdomadaire ont suivi les déplacements des deux hommes pendant trois semaines, dans la capitale et à l'extérieur, mesuré leur vitesse à l'aide d'un radar perfectionné et "immortalisé" les fautes grâce à un appareil photo et une mini-caméra numérique.

Photographies à l'appui, "Auto Plus" recense les différentes infractions au code de la route allant des feux rouges brûlés, rues prises à contre-sens (soit -60 points pour Villepin et -32 pour Sarkozy), les excès de vitesse (-5 points pour les deux membres du gouvernement) et les incivilités comme emprunter la file des bus (-10 points pour le Premier ministre et -3 pour le ministre de l'Intérieur).

Pire, un motard de la police qui ouvrait le convoi de Nicolas Sarkozy a été victime d'un accident sans gravité en voulant griller un feu: il a percuté une voiture arrêtée au feu devant l'esplanade des Invalides...

Signe extérieur de cruauté !



La fourrure : signe extérieur de cruauté
, par Brigitte BARDOT

Tout se vend : du lynx, du vison, de la loutre, de la martre, du castor, du renard, de l’écureuil mais aussi du chien et du chat ! On retrouve dans toutes les collections des « grands » couturiers, notamment français, des lambeaux de peaux sur les cols, les poignets, en revers ou en ourlets. Derrière ces étalages provocants de mannequins parées de manteaux de tous poils se cache un commerce juteux et surtout des conditions de capture, de détention et d’abattages ignobles pour les animaux. Il y a longtemps, j’ai porté de la fourrure parce que je ne connaissais rien des coulisses de ce marché. Aujourd’hui nul ne peut invoquer l’ignorance sinon pour justifier son hypocrisie. Nous sommes à l’heure des prises de conscience et de décision. Décision de refuser d’entrer dans un circuit qui veut se blanchir à grands renforts d’arguments bidons :
NON la fourrure n’est pas écologique !
NON la fourrure n’est pas plus propre et moins douloureuse parce que d’élevage !"

Il faut 15 renards, 10 lynx ou 60 visons pour confectionner un seul manteau !
Pour satisfaire les caprices de la mode, 5 millions d’animaux sauvages sont prélevés dans la nature et 35 millions sont issus de l’élevage !
Dans ces fermes dites d’élevage, les renards, visons et autres malheureux pensionnaires sont détenus dans des cages trop petites et parfois empilées dont le sol n’est qu’un grillage pour écouler les excréments et protéger des salissures leur précieuse fourrure. Résultat : leurs pattes sont déformées, meurtries, les animaux développent des comportements névrotiques, se mutilent, s’entredévorent ou se jettent contre les parois. A ces conditions déplorables s’ajoutent les mauvais traitements qui leur sont infligés: pour la reproduction, la femelle est extirpée de sa cage à l’aide d’une fourche puis neutralisée afin d’être inséminée.

Gazés, piégés, électrocutés, depeçés vivants...

L’exécution qui mettra un terme à leur calvaire relève également du registre des horreurs.
Le gazage : l’animal est tué par du dioxyde ou du monoxyde de carbone. Des observations de visons tués par cette méthode ont montré l’animal courant frénétiquement dans la chambre à gaz et se débattant pour maintenir sa tête au dessus du niveau du gaz. La mort ne survient qu’au bout d’une vingtaine de secondes voir plus. Faites le test avec la trotteuse de votre montre, vous découvrirez que 20 secondes de souffrance extrême c’est effroyablement long.
L’électrocution : cette méthode consiste à introduire une électrode dans l’anus de l’animal et à en attacher une autre à sa gueule. Ensuite c’est simple, on envoie le courant soit 1000 volts. Idéal pour obtenir une fourrure bien gonflée ! En théorie, la mort devrait être immédiate mais en pratique l’animal terrifié se débat et son bourreau doit souvent s’y reprendre à plusieurs fois en envoyant le courant avant que la bête ne perde conscience.
Pour les animaux sauvages piégés dans la nature, le calvaire est tout aussi horrible. Les pièges maintiennent l’animal vivant, jusqu’à l’arrivée des trappeurs. Pour tenter de s’enfuir, le renard ou autre hermine se ronge la patte jusqu’à l’os. Pendant plusieurs jours, il endure la souffrance, la faim, la soif et devient une proie facile pour ses prédateurs. De plus les pièges ne sont pas sélectifs.

Toujours dans le registre des horreurs, des millions de chiens et de chats sont capturés et abattus sauvagement dans plusieurs pays d’Asie (Chine, Philippines, Thaïlande…). Leurs peaux sont ensuite revendues à des grossistes européens et acheminées en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Italie et en France.
Les chiens viverrins sont capturés et entassés dans des cages avant d’être étranglés, assommés à coups de bâtons, vidés de leur sang et dépecés vivants !Les chats, quant à eux, sont souvent exterminés par pendaison directement dans leur cage. Une exécution qui dure plusieurs minutes !
Les peaux sont acheminées en Europe et travaillées pour être transformées en vêtements, peluches et autres accessoires. Bien sûr on se garde bien de vous parler de fourrure de chiens ou de chats alors pour ménager votre sensibilité ils sont tout simplement rebaptisés "Loups de Sibérie", "Loutres Brésiliennes",etc.
Que les fourreurs ne nous parlent pas de sensiblerie déplacée, de priorités et de hiérarchie dans la souffrance. Aucun combat, s'il a pour but la protection des plus faibles, la générosité et le respect de la vie n’est incompatible avec un autre car toutes les causes qui engendrent la souffrance et la destruction des hommes, des animaux ou de l’environnement doivent être inlassablement dénoncées.

- Brigitte BARDOT -

Comme si les J.O. allaient changer quelque chose...


McCartney ne jouera pas en Chine à cause des fourrures de chiens et chats.

LONDRES (AFP) - Paul McCartney, horrifié par l'abattage de chiens et de chats en Chine pour leur fourrure, ne pourrait envisager un seul instant de se produire dans ce pays, a assuré le musicien britannique dans un entretien devant être diffusé lundi soir dans le journal télévisé de la BBC.
"C'est barbare, horrible, moyenâgeux (...) Je ne pourrais même pas imaginer d'aller jouer là-bas, tout comme je ne pourrais aller dans un pays soutenant l'apartheid", a déclaré l'ancien Beatle au bord des larmes, après avoir visionné une séquence vidéo tournée en secret sur le marché de Canton (sud).
Le document du groupe britannique de défense des droits des animaux PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) montre notamment des chats et des chiens précipités du toit d'un bus sur du béton. Dans d'autres scènes, on voit des chats enfermés dans des sacs avant d'être plongés dans une bassine d'eau bouillante, ou encore des hommes riant tandis qu'ils battent à mort des chats et des chiens à coups de bâton.

Paul McCartney est engagé de longue date dans la cause des animaux. Son épouse Heather, qui a également participé à l'interview, a appelé au boycott des produits chinois.

19 novembre 2005

Il n'y a pas que la clim. qui apporte un peu de fraîcheur.



Après cinq albums avec Téléphone entre 1977 et 1986 et cinq autres en solo entre 1987 et 2002, Jean-Louis AUBERT, au bout de trois ans de silence (ou presque, car il a beaucoup travaillé avec d'autres artistes dont son chouchou, Raphaël), délivre enfin les treize titres tant attendus de son Ideal Standard


Pourquoi ce paradoxe d' Ideal Standard ?

Cette chanson, dont le titre a été repris pour l'album, est une réflexion sur le monde marchand. Je ne supporte plus les images publicitaires, la perfection que l'on nous vend, la société de consommation en général. Tous ces pseudo-critères de beauté, de réussite, de bonheur sont étouffants.

"Tout le monde cherche une belle histoire d'amour", comment va la vôtre ?

Je suis avec la même compagne depuis vingt-trois ans, nous avons des enfants et des petits-enfants. Nous n'avons jamais signé de pacte, tous les ans notre histoire est remise en question, c'est ça qui est beau. Aujourd'hui, les gens se séparent pour un oui ou pour un non, sans même tenter de sauver leur couple...

Vos chansons de rupture ne sont donc pas autobiographiques...

Ca dépend des titres et des interprétations qu'on en fait. "Voilà c'est fini", par exemple, peut être à la fois la chanson d'une rupture ou, au contraire, celle d'un renouveau. "Je pars" est beaucoup plus dure, mais elle montre que c'est quand on est loin de l'autre que l'on se rend compte de tout ce que l'on a et de tout ce que l'on peut perdre.

Vous avez composé vos morceaux au célèbre château d'Hérouville, où ont travaillé Chopin, Bill Wyman, les Pink Floyd, Cat Stevens, Nougaro, Bowie ou encore Elton John...

J'avais besoin de m'isoler pour composer. Ce château à l'abandon, qui a vu passer les plus grands, où ont eu lieu les plus grandes fêtes, était l'endroit idéal. J'ai passé environ cinq mois là-bas, au milieu des fantômes, à composer jour et nuit, même pendant l'hiver, et sans chauffage !

Regrettez-vous l'époque de Téléphone ?

Je ne pense pas que j'aurais aimé vieillir avec Téléphone. Ca été une période de ma vie, je ne la regrette pas, mais c'est fini. C'est un peu comme si on vous disait de vous remettre avec votre ex, même si vous avez eu de bons moments, vous ne le feriez sans doute pas.

Quel regard portez-vous sur l'actualité ?

Je lis la presse et j'écoute beaucoup la radio mais j'ai encore du mal à concevoir le fait qu'une mauvaise nouvelle en soit une bonne pour la plupart des journalistes. Je pensais que la pluralité donnerait plus de liberté et d'appréciation, je ne suis pas sûr que ce soit le cas.

Votre regard sur la France ?

Le problème de la France est qu'elle garde quelque chose de la gauche de mai-68, où réussir n'est pas considéré comme une bonne chose et où les chômeurs doivent être nourris par l'Etat... Ailleurs, les choses bougent. En France, on est ancré dans le passé, c'est dommage. Pourtant, c'est un pays béni des dieux, où les artisans et les bons produits existent. Si on avait une prime de qualité au bon vin, à la bonne agriculture et au savoir-faire, on aurait gardé tout ça... Les Français sont démotivés : si l'on travaille, c'est forcément chiant et mal payé. Ce mépris du travail fait que l'on manque de personnel dans tous les secteurs, alors que nous avons besoin de mains et de compétences. C'est curieux dans un pays qui compte plus de 10% de chômeurs !

Et sur les violences en banlieue ?

Je comprends que le décès de deux adolescents puisse provoquer ce genre de réactions. Peut-être que là, ça a été trop loin, mais si ça peut permettre de remettre les choses à plat...

Vous regardez la télé ?

Je regarde les infos sur LCI ou i-télé. J'aime beaucoup les talk-shows, je ne regarde jamais les séries ou les films. Pareil pour les livres, je préfère les essais et les documents aux romans. Pourtant j'adore des écrivains comme Philippe Claudel... ou Houellebecq, même s'il me donne un cafard terrible. Je suis en plein dans son dernier roman, c'est fort et cynique, un livre qui fait du mal.

Avec toutes ces choses à dire, pourquoi ne pas faire de textes engagés ?

Parce que je veux que mes chansons durent toujours, qu'elles soient intemporelles. J'avais écrit un texte sur le mur de Berlin qui disait, "j'en ai un", "t'en as un". Quand mon fils écoute ça, il ne comprend rien. Je ne vais pas parler de Jacques Chirac pour, dans dix ans, avoir une chanson qui ne correspond à rien.

Propos recueillis par Aurélie SARROT

16 novembre 2005

En politique comme ailleurs, il est parfois nécessaire de "s'élever pour mieux voir"

«L'illégitimité de la haine»

Le philosophe Alain FINKIELKRAUT dresse un premier bilan des émeutes dans les banlieues.


LE FIGARO. – Quels enseignements politiques et intellectuels tirez-vous des émeutes ?

Alain FINKIELKRAUT. – Je suis terrifié par cette violence. Terrifié, mais pas étonné. Il y avait des signes avant-coureurs : la Marseillaise conspuée lors du match France-Algérie, les agressions de lycéens pendant une manifestation contre la loi Fillon. Il y avait aussi des livres avertisseurs comme celui d'Emmanuel Brenner, Les Territoires perdus de la République, ou le rapport de juin 2004 du ministère de l'Education nationale sur les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans certains établissements scolaires des quartiers difficiles. On y apprenait notamment que l'enseignement de l'histoire était accusé par certains élèves et ceux qui les influencent de donner une vision judéo-chrétienne, déformée et partiale du monde. Les exemples abondent, du refus d'étudier l'édification des cathédrales ou d'entendre parler de l'existence de religions préislamiques, aux turbulences que provoque inévitablement l'évocation de la guerre d'Algérie ou du Moyen-Orient.

Certains ont été jusqu'à parler de «guerre civile». Qu'en pensez-vous ?


Il n'y a pas de guerre aujourd'hui entre les Français de souche et les autres, ni même entre la France des villes et celle des banlieues. Les premières cibles des violents sont les voisins. Et ce sont eux qui réclament une restauration de l'ordre républicain. La sympathie pour les vandales est beaucoup plus répandue chez les bobos écolos qui font du vélo à Paris que parmi les automobilistes pauvres du 9-3.

Y avait-il d'autres signes annonciateurs des émeutes ?

Voici un charmant couplet de rap : «La France est une garce, n'oublie pas de la baiser jusqu'à l'épuiser comme une salope, il faut la traiter, mec ! Moi, je pisse sur Napoléon et le général de Gaulle.»

Mais les excès de la sous-culture musicale ont-ils vraiment un lien de causalité avec ces violences ?

Si ceux qui mettent le feu aux services publics, qui lancent du haut des tours d'immeubles des boules de pétanque sur les policiers ou qui agressent les pompiers, avaient la même couleur de peau que les émeutiers de Rostock dans l'Allemagne réunifiée des années 90, l'indignation morale prévaudrait partout.

L'indignation morale prévaut quand même dans certains lieux !


Non, ce qui prévaut, c'est la compréhension, la dissolution du sentiment de l'injustifiable dans la recherche des causes. Dans l'hypothèse Rostock, politiques, intellectuels, journalistes, responsables d'associations, chercheurs en sciences sociales – tous crieraient comme un seul homme : «Le fascisme ne passera pas !» Mais comme ces lanceurs de boules et de cocktails Molotov sont des Français d'origine africaine ou nord-africaine, l'explication étouffe l'indignation ou la retourne contre le gouvernement et l'inhospitalité nationale.

Au lieu d'être outragés par le scandale des écoles incendiées, on pontifie sur le désespoir des incendiaires. Au lieu d'entendre ce qu'ils disent – «Nique ta mère !», «Nique la police !», «Nique l'Etat !» –, on les écoute, c'est-à-dire que l'on convertit leurs appels à la haine en appels à l'aide et la vandalisation des établissements scolaires en demande d'éducation. A ce décryptage qui n'est que poudre aux yeux, il est urgent d'opposer une lecture littérale des événements.

Loin de la culture de l'excuse ?


Les casseurs ne réclament pas plus d'écoles, plus de crèches, plus de gymnases, plus d'autobus : ils les brûlent. Et ils s'acharnent ainsi contre les institutions et toutes les médiations, tous les détours, tous les délais qui s'interposent entre eux et les objets de leur désir. Enfants de la télécommande, ils veulent tout, tout de suite. Et ce tout, c'est la «thune», les marques vestimentaires et les «meufs». Paradoxe terminal : les ennemis de notre monde en sont aussi l'ultime caricature. Et ce qu'il faudrait pouvoir réinstaurer, c'est un autre système de valeurs, un autre rapport au temps. Mais ce pouvoir-là n'est pas au pouvoir des politiques.

La communication politique a-t-elle abdiqué devant la «vidéosphère» ?


La vulgarité sans fond des talk shows, la brutalité des jeux vidéos, l'éducation quotidienne à la simplification et à la méchanceté rigolarde par les «Guignols de l'info» – tout cela est hors de portée des hommes politiques. S'ils s'y opposaient d'ailleurs, les éditorialistes dénonceraient aussitôt une atteinte totalitaire à la liberté d'expression. Peut être le ministre de l'Intérieur – mais est-il le seul ? – a-t-il tendance à trop spectaculariser son action. Et le terme de «racaille» ne devrait pas faire partie du vocabulaire d'un responsable politique. Mais les mots manquent devant des gens qui, se sentant calomniés ou humiliés par cette épithète, réagissent en incendiant des écoles.

Mais ils sont frappés par des taux de chômage record !


Aujourd'hui où le coeur de l'humanisme ne bat plus pour l'école, mais pour ses incendiaires, nul ne semble se souvenir qu'on ne va pas en classe pour être embauché mais pour être enseigné. Le premier objectif de l'instruction, c'est l'instruction. Celle-ci, au demeurant, n'est jamais inutile. De même que la République doit reprendre ses «territoires perdus», de même la langue française doit reconquérir le parler banlieue, ce sabir simpliste, hargneux, pathétiquement hostile à la beauté et à la nuance. Ce n'est pas une condition suffisante pour obtenir un emploi, mais c'est une condition nécessaire.

Personne n'invente cependant les discriminations !


Dans cette affaire, il faut évidemment se garder de stigmatiser une population. Né polonais en France, je suis moi-même un immigré de la seconde génération, et je me sens résolument solidaire de tous les élèves noirs ou arabes qui, parce qu'ils préfèrent les diplômés aux dealers, se font persécuter, racketter, traiter de «bouffons». Ceux-là doivent être aidés ; la discrimination à l'embauche doit être inlassablement combattue ; il faut oeuvrer sans relâche à l'égalité des chances, aller chercher l'excellence dans les cités, détruire les grands ensembles, désenclaver les banlieues. Pour autant, il serait naïf de s'imaginer que ces mesures mettront fin au vandalisme.

Comment pouvez-vous en être sûr ?

La violence actuelle n'est pas une réaction à l'injustice de la République, mais un gigantesque pogrome antirépublicain.

Cette violence ne serait donc pas une riposte à l'abandon des «territoires perdus» ?


Si ces territoires étaient laissés à l'abandon, il n'y aurait ni autobus, ni crèches, ni écoles, ni gymnases à brûler. Et ce qui est proprement insupportable, c'est de décerner aux auteurs de ces exploits le titre glorieux d'«indigènes de la République». Au lieu de cela, on aurait dû décréter l'illégitimité de la haine et leur faire honte, comme on fait honte, bien qu'ils soient aussi des cas sociaux, aux supporters qui vont dans les stades pour en découdre et qui poussent des grognements de singe chaque fois qu'un joueur noir a la balle. La brûlure de la honte est le commencement de la morale. La victimisation et l'héroïsation sont une invitation à la récidive.

L'expiation des crimes du colonialisme conduit-elle à l'embrasement des banlieues ?

Non, bien sûr. Mais à vouloir apaiser la haine en disant que la France est en effet haïssable et en inscrivant ce dégoût de soi dans l'enseignement, on se dirige nécessairement vers le pire. Ces révoltés révoltants poussent jusqu'à son paroxysme la tendance contemporaine à faire de l'homme non plus un obligé, mais un ayant droit. Et si l'école elle-même les encourage, alors c'est foutu.

Est-ce le modèle français d'intégration qui est en crise ?

On parle beaucoup de la faillite du modèle républicain d'intégration. C'est absurde. L'école républicaine est morte depuis longtemps. C'est le modèle post-républicain de la communauté éducative supersympa et immergée dans le social, qui prend l'eau. Modèle, hélas, indestructible car il se nourrit de ses fiascos. A chaque échec, il réagit par la surenchère. Et c'est reparti pour un tour : au mépris de la vérité, l'école française noiera donc demain la diversité des traites négrières dans l'océan de la bien-pensance anti-occidentale. On enseignera la colonisation non comme un phénomène historique terrible et ambigu, mais comme un crime contre l'humanité. Ainsi répondra-t-on au défi de l'intégration en hâtant la désintégration nationale.

«L'illégitimité de la haine»
Propos recueillis par Alexis Lacroix

12 novembre 2005

Le respect ne se décrète pas. Il se mérite.


Juste vous dire.


Par Frédéric G.NIEDZIELSKI, Professeur à l’Ecole des Hautes Etudes Politiques de Paris.



Fils et petit-fils de mineur de fond, d’origine polonaise et de famille modeste, rouquin de surcroît, j’ai eu tout à ignorer de l’ascenseur social. J’ai épousé une femme d’origine gréco-albanaise dont les grands-parents avaient, avant que la France ne les accueillent, transité par l’Afrique du Nord. Notre destin commun fut peut-être d’avoir été élevés l’un dans une cité ouvrière du nord de la France, l’autre dans une banlieue ouvrière de l’est parisien.

C’était une autre époque. J’en conviens. Mais c’est toujours une autre époque. Essayons toutefois d’y consacrer, l’espace d’un instant, un moment de réflexion. Ce faisant dérogeons au principe selon lequel il ne faut jamais faire entendre « aux gens » ce qu’ils ne souhaitent pas entendre. Il en va ainsi de Nicolas Sarkozy. Ce ministre qui agace pour avoir osé dire qu’il « faut repérer les trafiquants, les chefs de bande, les caïds qui font vivre une économie souterraine sur l’économie saine du quartier ».

Je ne connais pas Nicolas Sarkozy. Par contre ce que je défends, c’est ce qu’on m’a enseigné: la justice, l’honneur et la dignité. La justice lorsqu’elle consiste à sanctionner toutes formes d’exactions car je ne peux supporter qu’on assassine un père de famille sous les yeux de son épouse et de sa fille. La justice lorsqu’on bat à mort une jeune fille dont la seule « faute » est de refuser un mariage forcé. L’honneur ? l’honneur c’est de savoir ne pas baisser les yeux. L’honneur c’est dire à qui veut l’entendre que je suis fier d’être français. Dire qu’il faut respecter mes lois, ma religion, mes convictions car je respecte celle des autres. Osez dire avec force et détermination, que ceux qui ne respectent pas nos lois n’ont rien à faire en France... ce pays dont je souhaite qu’il demeure une terre d’accueil.

La dignité enfin. Mot singulier parmi d’autres. Singulier et pourtant tellement signifiant. Etre digne c’est ne pas cracher, savoir dire bonjour, merci, pardon. C’est être digne que de chercher un travail, respecter un professeur, un espace public. Digne de partager un horizon, un idéal, un espoir, une joie, une peine. Ce sens de la justice, de l’honneur et de la dignité, je l’ai appris comme tant d’autres à l’école, à force de travail, de lecture et en respectant mes maîtres et mes parents. Je l’ai appris dans la rue, sur les terrains de foot, sur les pistes d’escrime mais jamais en mettant à mal le bien d’autrui, en brûlant des voitures, en invectivant policiers et pompiers.

Je suis professeur, haut fonctionnaire. Je n’en demeure pas moins fils d’ouvriers, ayant vécu dans une cité. J’ai été traité de « sale polack », de « chien rouge »...mais j’aime ma France. L’intégration ne sera jamais un prétexte aux délits. Jamais elle ne justifiera ce qui n’est pas excusable : le non respect de l’autre et de ses droits. L’intégration c’est le devoir que l’on doit à la France, à sa culture et son territoire... à soi-même en somme.

- Frédéric G.NIEDZIELSKI -

À lire sur Metro France

01 novembre 2005

Une peur démesurée ?


Le point sur la grippe aviaire


Depuis 1997, 121 personnes - toutes en Asie - ont contracté la grippe aviaire. Presque la moitié d'entre elles y ont succombé. D'après les enquêtes, elles avaient été en contact étroit avec des volailles contaminées. Des milliers d'oiseaux et de poulets ont été touchés par la grippe aviaire.

La grippe aviaire est une maladie qui cause une infection du système digestif chez les oiseaux, surtout chez les poulets et les dindes. Cette épizootie est attribuable à un virus de type influenza, semblable à celui de la grippe commune chez l'humain. Plusieurs variantes de ce virus ont déjà été détectées. La souche nommée H5N1 est celle qui se transmet des oiseaux à l'humain.

Les canards et les oies sauvages constitueraient un réservoir naturel pour la grippe aviaire, car ils cohabitent bien avec le virus1. Leurs mouvements migratoires participeraient à l'éclosion de foyers d'infections à l'extérieur de l'Asie, notamment en Allemagne, en Turquie, en Roumanie. On a trouvé, récemment, le virus de type H5 au Canada (Ontario et Québec) sur des oiseaux sauvages. Selon les autorités, il n'aurait pas de lien avec la souche mortelle H5N1.

Chez l'humain, de prime abord, les symptômes de la grippe au virus H5N1 peuvent se confondre avec ceux de la grippe habituelle : fièvre, toux, douleurs musculaires, migraines et difficultés respiratoires. Dans les cas les plus graves, des infections pulmonaires virales (comme des pneumonies) se sont avérées mortelles.


Une peur démesurée?

Devant la menace imminente d'une nouvelle pandémie de grippe causée par la souche H5N1 du virus de la grippe aviaire, les experts en santé publique et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) lancent, à la population, des appels au calme.

« Actuellement, c'est un problème d'ordre vétérinaire, et un problème potentiel en santé publique, affirme Dr Michel Savard, médecin-conseil au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. L'inquiétude est normale devant l'inconnu, mais il est prématuré d'avoir une inquiétude excessive. »

Aucun cas de transmission d'humain à humain n'a été rapporté jusqu'ici. « Présentement, il faut courir après le virus de la grippe aviaire pour l'attraper. Il faut presque dormir avec les poules! », ajoute-t-il. Des pandémies de grippes, il y en a toujours eu et il y en aura toujours, selon Dr Savard. «Mais, aujourd'hui, on a la capacité de mettre en évidence des choses qu'on ne voyait pas auparavant, dit-il. Il faudrait faire attention de bien interpréter ces données. »

En ce moment, la priorité consiste à aider les gouvernements des pays asiatiques à surveiller et à contrôler attentivement l'infection chez les oiseaux, de même qu'à prévenir le transfert du virus à l'humain. C'est ce qui ressort de la conférence internationale d'Ottawa2, qui se déroulait les 24 et 25 octobre derniers. Celle-ci réunissait les délégués de 30 pays et de 9 organisations internationales, dont l'OMS.
La prochaine pandémie?

Pour causer une pandémie, il faudrait que des mutations génétiques du virus surviennent, qui lui permettraient d'être contagieux d'humain à humain. La souche H5N1 est une bonne candidate pour la prochaine pandémie puisqu'elle mute facilement et se propage aisément.

Néanmoins, Dr Éric Frost, microbiologiste en charge de la sérologie et de la virologie au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, croit que la prochaine pandémie de grippe n'est pas pour demain matin. De façon plus réaliste, peut-être pas avant cinq ou dix ans, selon lui.

D'après l'Organisation mondiale de la Santé, on peut s'attendre, en moyenne, à trois ou quatre pandémies par siècle1. La plus récente pandémie a eu lieu en 1968. Il s'agissait de la grippe de Hong Kong.

Selon Dr Michel Savard, il est prématuré de prédire que la souche H5N1 sera à l'origine de la prochaine pandémie de grippe. Cela dit, les autorités de santé publique ne doivent pas sous-estimer l'impact que peut avoir une telle pandémie. Les mesures de surveillance et d'urgence que l'on met présentement en place sont primordiales. Elles seront valables pour les années à venir, peu importe la souche de grippe impliquée.

Un autre inconnu majeur : impossible de prédire la gravité qu'aurait une éventuelle pandémie du virus H5N1. « Chose certaine, explique Dr Savard, les chiffres [121 cas d'infection dont 62 morts] dont on dispose actuellement sont trompeurs. On n'a aucune idée du nombre de personnes qui ont été infectées par le virus. Les cas rapportés sont des personnes qui ont été hospitalisées et analysées. Les pires cas, finalement. » Ce serait, d'après lui, une grave erreur de transposer cette proportion de mortalité à la population générale. Rappelons, à titre d'exemple, que le taux de mortalité de la grippe espagnole, qui a sévi dans les années 1918 et 1919, était de 1 % à 2 %.

Une pandémie
Durant une pandémie, les effets de l'infection sont plus graves. Répandue mondialement, l'infection peut avoir des conséquences terribles sur la santé, peu importe l'âge des sujets touchés. L'humain ne possède pas d'anticorps spécifiques contre la souche de grippe H5N1 puisqu'il ne l'a jamais rencontrée, explique Éric Frost. Lorsque le virus franchit la barrière des espèces, l'histoire nous apprend que l'infection peut être très grave, déclare-t-il, faisant référence à la grippe espagnole, qui a fait des millions de morts. Par la suite, en s'adaptant à l'humain, le virus perdra tranquillement de sa virulence, prévoit-on.

Comment se préparer?

« Personne ne peut empêcher une pandémie, affirme Dr Michel Savard, mais on peut se préparer à en diminuer les impacts en protégeant les groupes les plus vulnérables. » À ce titre, l'administration de médicaments antiviraux en prévention aux personnes plus fragiles et au personnel hospitalier pourrait être adoptée si le virus subissait des mutations génétiques qui le rendraient contagieux d'humain à humain. Le Tamiflu est considéré comme l'antiviral le plus efficace, car il inhibe des virus semblables au virus de la grippe aviaire. Il peut aussi servir à diminuer les effets de la grippe, une fois les symptômes présents.

S'il y avait pandémie, un vaccin pourrait être fabriqué. Cependant, il faudra environ six mois pour le produire, selon Dr Éric Frost.

D'après lui, conserver à la maison des médicaments antiviraux, comme le Tamiflu ou le Relenza, n'est pas une bonne idée. Il déconseille aux gens de le faire. D'abord, parce qu'ils risquent d'être périmés lorsque la pandémie surviendra réellement. Ensuite, parce qu'on risque de manquer de médicaments au moment opportun. La compagnie Hoffman - La Roche, qui produit le Tamiflu, en a d'ailleurs récemment interrompu la distribution afin de ne pas épuiser ses réserves, puisque la saison de la grippe n'est pas commencée3. Qui plus est, les gens risquent d'utiliser le médicament à mauvais escient, au moindre symptôme grippal.

En Asie, où des milliers de personnes sont en contact étroit avec les volailles, on invite les gens à se laver les mains fréquemment. Les autorités préviennent également les voyageurs qui se rendent en Asie d'éviter tout contact avec des oiseaux d'élevage4. La salive, les sécrétions nasales et les excréments des oiseaux infectés contiennent le virus. Manger de la volaille ou des oeufs cuits ne pose cependant aucun risque d'infection, mentionne Santé Canada.
Peut-on faire plus?

Pour Dr Paul Lépine, tout ce qu'on peut faire pour l'instant, c'est renforcer sa première ligne de défense immunitaire contre les microbes. Il s'agit essentiellement d'avoir une bonne hygiène de vie, du repos, une bonne alimentation, un peu de méditation ou de Qi Gong, etc. Pour plus de détails, vous pouvez consulter la fiche Renforcer son système immunitaire

Il dénonce le scénario de catastrophe véhiculé par les médias. « Que les autorités sanitaires se préparent, très bien. Mais on alarme toute la population en créant une histoire d'horreur. Cela engendre un grand sentiment d'impuissance devant un virus qu'on dit mortel. C'est le meilleur moyen d'affaiblir le système immunitaire des gens! On provoque exactement l'effet inverse. » D'après lui, il n'y a pour l'instant rien à faire contre le virus, mais tout à faire pour soi, simplement en prenant soin de sa santé.



Pour en savoir plus :

Organisation mondiale de la Santé
Agence de santé publique du Canada
Santé Canada

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